[Article 49-3] Sans majorité à l'Assemblée Nationale, HOLLANDE et VALLS choisissent le PASSAGE EN FORCE pour IMPOSER LA LOI MACRON
Le premier ministre Manuel Valls, après une réunion de crise du conseil des ministres à l’Elysée, décide de faire passer la loi Macron le mardi 17 février 2015 après-midi à l’Assemblée nationale par le recours à la procédure dite du 49-3, du nom de l’article de la Constitution de la Ve République qui répudie le droit des députés de délibérer démocratiquement s’ils donnent leur confiance de principe au gouvernement désigné par le Président. « Le gouvernement m’a autorisé à engager la responsabilité » de l’exécutif, a annoncé le chef du gouvernement devant les députés. Justifiant la décision du Président, Manuel Valls a lancé aux députés PS (sic) : « Je ne dramatise pas, au moment où je parle, le texte ne passe pas ».
Face au risque de voir le projet de loi Macron rejeté du fait des "frondeurs" PS, Manuel Valls a choisi mardi de passer en force en utilisant l'arme du 49-3 au terme d'une folle journée qui pourrait laisser des traces à gauche.
Aveu de faiblesse d'un exécutif, le recours à l'article 49-3 de la Constitution, qui n'avait plus été utilisé depuis 2006, entraîne l'adoption d'un texte sans vote sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l'Assemblée, ce qui ne sera pas le cas.
Invité de TF1 mardi 17 février 2015 au soir, Manuel Valls a récusé que ce recours constitue un "échec". "L'échec ça aurait été si le texte avait été rejeté", a dit M. Valls, affirmant ne pas vouloir "perdre du temps avec ceux qui ont d'autres objectifs" que l'intérêt des Français.
Les députés UMP ont déposé une motion de censure, à laquelle s'est associée l'UDI, dans laquelle ils dénoncent "le passage en force" du gouvernement sur ce texte emblématique de la ligne réformatrice de François Hollande. "C'est la fin de l'unité transpartisane" post-attentats, a jugé Jean-François Lamour (UMP).
Le Front de gauche a annoncé qu'il joindrait ses voix à la droite lors du débat, jeudi soir.
Si cette motion était adoptée -ce qui n'est pas possible au vu des rapports de force -, le gouvernement devrait démissionner. En cas de rejet, le projet de loi sera considéré comme adopté en première lecture.
Jusqu'à la dernière minute, Manuel Valls a laissé planer le doute, ses conseillers comptant et recomptant en coulisse les votes. "Le gouvernement fera tout pour que la loi Macron passe", avait-il affirmé lors de la séance de questions au gouvernement, à l'atmosphère électrique entre 15H00 et 16H00.
Selon l'entourage de François Hollande, le recours au 49-3 a été décidé in extremis, juste avant que Manuel Valls ne monte à la tribune après un ultime échange entre les deux hommes.
D'après une source gouvernementale, selon les derniers comptages, la majorité théorique si vote il y avait eu lieu aurait été comprise "entre 3 et 6-7 voix", une marge trop faible pour "prendre un risque".
"La vérité éclate au grand jour: il n'y a plus ni majorité, ni gouvernement", a réagi sur Twitter Nicolas Sarkozy, qui se targue de ne jamais avoir eu recours au 49.3 pendant son quinquennat.
- Une première depuis 2006 -
De fait, l'article 49-3 n'avait plus été utilisé depuis Dominique de Villepin avec le Contrat première embauche (CPE) en 2006. Il ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire, ou, une fois par an seulement, sur un autre texte comme la loi Macron.
La tension était montée d'un cran en fin de matinée lorsque Manuel Valls avait affirmé, à la surprise générale, devant le groupe PS "qu'à ce stade, la loi ne passe pas".
Des frondeurs PS, comme Christian Paul, venaient de déclarer que "plusieurs dizaines de députés PS" n'allaient pas voter la loi, principalement à cause de l'extension du travail dominical.
En outre, la grande majorité des députés écologistes devaient voter contre, de même que les députés Front de gauche opposés à un texte "archaïque et rétrograde".
A droite, "97 à 98%" des députés UMP devaient voter contre, selon M. Jacob. En revanche, une courte majorité des députés UDI devaient soit s'abstenir, soit voter pour.
Dans les couloirs de l'Assemblée, les frondeurs rejetaient la responsabilité de la crise sur M. Macron, qui avait refusé "toute ouverture" sur l'instauration dans la loi de contreparties salariales pour l'ouverture des commerces le dimanche.
Dans l'hémicycle, un Emmanuel Macron en colère a regretté que les opposants à sa loi constituent "une forme d'union" de "ceux qui ne veulent pas changer le pays", en montrant d'un geste la gauche et la droite de l'hémicycle.
C'est en tout cas un échec paradoxal pour le jeune ministre qui avait mis en place en commission, puis dans l'hémicycle, une forte "coproduction", presqu'inédite, entre gouvernement et députés.
Si la droite, UMP en tête, a concentré l'essentiel de ses attaques sur la réforme des professions réglementées du droit, dont les notaires, la gauche s'est surtout divisée sur l'extension du travail dominical -une "régression" sociale selon Martine Aubry- des nouvelles règles de licenciements collectifs ou de la réforme des prud'hommes.
Sans bouleverser les volets phare du texte, le gouvernement avait accepté des modifications comme sur le mécanisme d'encadrement des tarifs des notaires, la réforme du permis de conduire ou la liberté laissée aux élus d'autoriser l'ouverture des commerces jusque 12 dimanches par an.
La séquence devrait laisser des traces au PS où nombre de députés ont accusé les frondeurs d'un "coup de couteau dans le dos" en vue du congrès, prévu en juin. Une réunion de groupe s'est d'ailleurs déroulée dans la soirée dans un "climat très houleux" selon des participants. "Il y avait beaucoup d'exaspération et de colère de la part de la majorité du groupe", a témoigné l'un d'eux. Et même des pleurs, selon un autre.