Coupures d’eau : la loi réécrite par VEOLIA et SUEZ ?
Depuis près de deux ans, les coupures d’eau sont interdites en France, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays. Cette simple mesure de respect de la dignité humaine risque aujourd’hui d’être remise en cause au Sénat, où le lobby français de l’eau a fait déposer un amendement autorisant à nouveau ces coupures.
C’est une disposition de la loi Brottes de 2013 (du nom du député socialiste de l’Isère François Brottes), qui consacre en France le principe du droit à l’eau reconnu par les Nations unies en 2010. Elle reste peu appliquée jusqu’à ce que deux associations, France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France, se saisissent de l’affaire (lire notre article). Elles lancent un appel à témoignages et identifient des dizaines de cas de coupures d’eau illégales, majoritairement du fait des grandes entreprises privées de l’eau, Veolia en tête. Elles assignent ensuite en justice Veolia, Suez environnement et la Saur (propriété de BNP Paribas et du groupe BPCE), ainsi que les régies publiques de l’eau qui s’adonnent à ce type de pratiques. Les juges donnent systématiquement raison aux plaignants.
Visiblement las d’accumuler les condamnations et les amendes, le lobby français de l’eau a décidé de réagir. Pour exercer leur influence au Sénat, les multinationales n’ont pas choisi la discrétion puisqu’elles ont recours à l’un de leurs relais favoris, Christian Cambon, le sénateur-maire UMP de Saint-Maurice (Val-de-Marne). Lui-même est le vice-président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), principal contrat de Veolia en France. Son dauphin désigné à la mairie de Saint-Maurice n’est autre que le directeur des relations extérieures de la Lyonnaise des Eaux (Suez) et trésorier de Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E).
Christian Cambon a proposé un amendement au projet de loi sur la transition énergétique (sic) autorisant de nouveau les coupures d’eau, sauf pour les bénéficiaires d’aides sociales. Comme le soulignent les associations, cet amendement ignore la réalité des travailleurs pauvres et du non-recours massif aux aides sociales. Il cherche à réaffirmer la logique marchande en revenant sur l’inconditionnalité du droit à l’eau.
Le vote doit avoir lieu mercredi 18 février 205 : on saura alors qui fait vraiment la loi au Sénat.
Olivier Petitjean
le 17 février 2015