GRÈCE - FRANCE: A propos d'une interview de Pierre Laurent dans "Marianne"
Soyons clair d'entrée sur cette question qui demande de le rester en permanence. Regarder et échanger ici des idées n'empêche pas d'être d'abord solidaire du peuple grec dans les conditions difficiles de leur combat.
Saluer tout ce qui fait rupture avec le modèle devenu le métronome de l'UE, saluer les improvisations qui sortent du concert classique de la musique écrite par le BCE et se réjouir à chacune des dissonances qui font hoqueter les premiers violons des bourses de Franckfort de Londres ou d'ailleurs.
Pour d'autres raisons que celle de La Canaille, la crainte du modèle semble soucier le chef de chœur du P"c"F tant il prend de précautions dans l'entretien qu'il a dans les colonnes de "Marianne".
Avec cette phrase qui a elle seule vaut clé de sol et point d'orgue :
A la question : "Mais passer des accords avec la direction du PS ne décrédibilise-t-il pas le combat contre les politiques d’austérité ?"
Laurent fils de répondre :
"Aujourd’hui, un accord global avec la direction du Parti socialiste n’est effectivement pas possible à cause du soutien affiché de ce parti à la politique gouvernementale. En revanche, il est possible, sur des objectifs particuliers, de construire des rassemblements qui mettent en cause la politique gouvernementale."
Comme si le PS était en dehors de la politique gouvernementale ? Ce n'est qu'un soutien ? La suite de phrase qui traduite en bon français veut dire "je valide les principes de la 5ème République et ses institutions et m'en sert". La période conclusive indiquant qu'il est prêt (près) à (de) s'allier avec les socialistes pour combattre le gouvernement dirigé et composé de la direction du parti socialiste. Comme contorsionniste, il a du faire l'école du cirque.
C'est l'acte de naissance de la version française d'un PRI mexicain ou l'agitation d'une hypothétique 6e république n'est qu'un hochet pour amuser la garderie.
Mais retournons un instant du côté du Pirée avant de revenir à Paris :
Le gouvernement Grec a pris des premières mesures, courageuses et bienvenues au regard des attentes populaires. Elles indiques une direction progressiste indéniables et la colère du parti de la banque et de la soumissions réunis fait plaisir à voir.
Ne pas saluer ces mesures de progrès social au nom de désaccords sur l'analyse du rôle de l'UE et son rôle serait aussi dogmatique que révélateur d'une cécité sur l'état d'urgence des attentes des Grecs et pour le moins très donneur de leçon.
Par contre, regarder comment la situation grecque interfère dans nos débats politiques et porter argumentation à partir des sujets qui font le débat n'est pas interférence.
D'autres ne s'en privent pas, au delà du respect du balisage ici proposé.
A la question posée par "Marianne"
"L’autre démonstration de la victoire de Syriza est que la critique de l’Europe et des politiques d’austérité sans en prôner forcément la sortie est entendue par le peuple. Estimez-vous que cela vient conforter la ligne que vous défendez au sein du Front de gauche contre ceux qui en appellent, en interne, à envisager la sortie de l’Union européenne et de l’euro ?
Pierre Laurent répond :
"C’est un débat que nous avons eu de nombreuses fois avec Alexis Tsipras au sein de la gauche européenne. Nous étions convaincus qu’il fallait imposer au sein de l’Europe cette voie-là."
C'est dit. Et là comment l'accepter ? C'est s'asseoir sur le dénie de démocratie d'il y a dix ans, ce putsch institutionnel qui a mis à la poubelle le vote des françaises et des français.
Comment articuler cela avec ce que dit deux lignes plus pas Pierre Laurent :
"Nous voulons faire respecter la voix du peuple grec, comme une voix souveraine, dans l’Europe parce que nous voulons une solution dans la solidarité".
A Athènes ? d'accord ! Mais à Paris ?
Comment faire croire qu'on va faire respecter chez les autres ce qu'on refuse à faire respecter chez soit ?
10 ans après, quelle ombre de soupçon d'un hypothétique engagement de bataille pour le respect du résultat du référendum de 2005 ?
Dans l'article Laurent par un raccourci aussi impressionnant qu'audacieux ramène toute la composition de la gauche grecque à Syriza issu de Synaspismos.
Synaspismos est issu en 1989 d'une tendance minoritaire du KKE, cette minorité étant, cause de la scission, favorable à l'intégration de la Grèce à l'Union européenne. Ce groupe s'est structuré en parti en 1991 et a immédiatement été adoubé par l'UE et ce qui est aujourd'hui le GUE, pourquoi Laurent ne le rappelle-t-il pas ? .
Il fait aussi volontairement l'impasse sur le fait que si celui ci progresse, les communistes grecs du KKE, qui tant en matière de score éléctoral, de nombre d'élus et surtout de liens avec les grandes organisations syndicales sociales et populaires pèse beaucoup plus qu'ici ne pèse le P"c"F. Il progresse de près de 20% en nombre de ses voix et représente à la fois historiquement et politiquement l'idée communiste en Grece.
Laurent rappelant par ailleurs à propos de Syriza :
"Le parti qui a été à l’origine de Syriza, le parti Synaspismos, qu’a présidé Alexis Tsipras était au côté de Die linke en Allemagne, de Izquierda unida en Espagne ou du Parti communiste français, un des six partis fondateurs de la Gauche européenne en 2004. Syriza s’est toujours inscrite en rupture avec la dérive libérale de nombreux partis sociaux-démocrates en Europe.
Est-ce à dire que le premier responsable du P"c"F assume être plus près d'un parti issue des socio-démocrates de la fin du 20ème siècle que du parti qui a libéré la Grèce du fascisme, de l'occupation hitlérienne au régime des colonels? Même sous un coup de colère, La Canaille ne l'aurait pas avancé ainsi. Mais bon puisque Pierre Laurent le proclame, dont acte.
Pour enfoncer le clou et avant de justifier l'alliance de son partenaire du GUE avec un parti de la droite pure et dure, Laurent précise :
"Evidemment, la dynamique politique qu’a su créer Syriza et la victoire politique qu’il a construite au fur et à mesure lui a permis de rassembler en son sein et dans son électorat énormément de déçus du Pasok. La coalition Syriza est devenu au final le grand parti de toute la gauche grecque en résistance aux politiques libérales européennes.
Oublié le "c" de communiste, vive l'arrivée des déçus du Pasok. Pourquoi ne les nomme-t-il pas directement les "hélléno-néo-frondeurs" ce qui ici éclairerait le débat.
L'argument utilisé pour justifier l'arrivée au gouvernement du chef du parti de droite de cette coalition, est "d'avoir ainsi donné des gages à l'armée".
Bigre serait-ce alors que l'espace de liberté et de démocratie qu'est l'UE selon ses zélotes, GUE compris, ne serait pas protégé de ces risques totalitaires ? Cela alors que la même UE forme ses détachements multinationaux à lutter avec la plus extrême fermeté contre les foyers de subversion populaires, allant jusqu'à simuler des affrontements de guérillas urbaines dans des camps d'entrainement installés sur le territoire fançais.
A Brusbourg ou à Strasxelles on aurait l'ennemi sélectif ?
Pierre Laurent n'est pas au courant ? Son secrétariat ne lit pas la presse, aucun qui ne regarde sur les reportages sur les chaines spécialisées ?
Donc pour se protéger des risques d'un putsch de droite on va chercher un ministre de droite agité comme un paratonerre par des Franklin de la démocratie athénienne. Un peu comme un Blummollet va chercher son Macron pour construire le socialisme en France.
Parce qu'il faut savoir mémoire garder, juste un rappel qui vaut pour éclairer les pratiques politiques : durant l'été 1973, Salvatore Allende pensant se prémunir d'un coup d'état à la suite d'une première tentative remplace le général Prats et va chercher et nommer un nouveau chef d'état major. Il s'appelle Augusto Pinochet.
On comprend mieux pourquoi ces confession d'un soce-dem du 21è siècle sont accueillies par Marianne. Dans l'Humanité cela aurait pu énerver quelques communistes qui persistent à vouloir le rester malgré les coups de canif en série administrés à l'Idée par leur direction.