Le 49-3 ou le BOOMERANG politique [Marianne.net]
La droite n'aura même pas l'occasion de voter ce texte qui s'inspire pourtant tellement de ses dogmes : la loi Macron passera donc par un 49-3 ni glorieux, ni sérieux. Et l'exécutif ne semble pas se soucier des conséquences que cela va avoir sur le pays dans ses profondeurs...
Un rien présomptueux, Emmanuel Macron avait par erreur publié un communiqué annonçant le vote de la loi qui porte son nom, le mardi 17 février. Finalement l’affaire a été un peu plus compliquée que prévu pour lui comme pour ses supérieurs hiérarchiques, puisqu’il a fallu avoir recours à l’article 49-3, qui permet à un gouvernement peu sûr de lui de faire passer un texte sans avoir à essayer d’obtenir une majorité incertaine à l’Assemblée nationale. L’ancien banquier devenu ministre, qui était parti en campagne comme un grognard en route pour Austerlitz, aura ainsi vécu un Waterloo politique.
Emmanuel Macron a voulu faire passer au marteau-pilon une mixture dont François Hollande avait pris la précaution de dire qu’elle n’était « pas la loi du siècle ». Assurément. Mais elle reste cependant la loi du Siècle, ce cénacle très parisien où se retrouve l’élite qui refait le monde en conclave mondain, gauche et droite confondues, loin des regards indiscrets.
Imprégné des travaux de la Commission Attali nommée par Nicolas Sarkozy, dont il fut le rapporteur (tout un programme), le ministre de l’Economie a mis en musique les préceptes néolibéraux qui ont envahi l’espace public au fil du temps. Sa loi valide un tryptique dérégulation/privatisation/flexibilisation qui fait du salaire une variable d’ajustement destinée à permettre de passer sous les fourches caudines des comptables qui ont pris le pouvoir à Bruxelles. Et voilà comment on a pu en arriver à faire du travail du dimanche et du transport en car l’alpha et l’omega du renouveau économique, ce qui serait risible si les conséquences sociales et environnementales n’étaient aussi graves.
Finalement, la logique aurait voulu que la droite votât ce texte, tant il s’inspire de ses propres dogmes. Elle ne l’a pas fait pour des raisons de petite cuisine électorale qui ne la grandissent pas. En revanche, il était inévitable que la mixture proposée paraîtrait indigeste à une frange de la gauche, y compris à l’intérieur du PS, où il reste encore des esprits qui n’ont pas été contaminés par l’hymne au Dieu marché.
Manuel Valls aura pourtant tout fait pour régler le dossier avec sa délicatesse coutumière. Il a manié la carotte de « l’esprit du 11 janvier » (on ne voit pas le rapport mais peu importe) et le bâton de la menace sur des parlementaires PS inquiets pour leur avenir (il y a de quoi). Il a tenté d’enrôler Arnaud Montebourg sous sa bannière, ce qui lui a valu une mise au point sanglante de l’ex-ministre. Finalement, il a dû passer en force, et utiliser le 49-3 pour la première fois depuis l’enterrement du CPE de Dominique Villepin, en 2006.
Ce n’est ni glorieux ni sérieux. Passée aux forceps, la loi Macron va avoir l’effet du sel sur la plaie sociale. Elle va encore creuser le fossé entre l’élite politique et le peuple, entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, avec le risque que cette colère profite à qui l’on sait.
le 18 février 2015
Jack Dion
Directeur adjoint de la rédaction de Marianne et grand amateur de théâtre
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