UKRAINE : entre GUERRE impérialiste et RÉSISTANCE au fascisme [rencontre avec des communistes ukrainiens du KPU]
Le 05 février 2015
Compte-rendu d’une rencontre avec des militants communistes ukrainiens du KPU
Depuis un an, les jeunes communistes du Nord mènent une campagne d’information sur la situation en Ukraine et l’arrivée des fascistes au pouvoir. Sur la vitre de notre local est affiché un poster à la mémoire de Vadim Papura, membre du Komsomol (nom des jeunesses communistes dans les anciennes républiques soviétiques), assassiné dans la maison des syndicats à Odessa en mai dernier, à l’âge de 17 ans.
Pour les JC du Nord, il était donc important d’accueillir Evgueni Tsarkov, premier secrétaire du Comité régional du KPU (parti communiste d’Ukraine) d'Odessa, et Natalia Touroukhina, députée communiste au conseil régional d’Odessa, en tournée en France, afin de diffuser largement leur témoignage sur ce qu’il se passe réellement en Ukraine. Les JC du Nord remercient la délégation pour sa venue ainsi que notre camarade Marianne Dunlop pour la traduction.
Evgueni commence son intervention en remerciant la JC du Nord pour cette initiative et pour le travail mené afin de dire la vérité sur ce qu’il se passe en Ukraine. La lutte contre la désinformation que propagent les médias bourgeois est en effet un aspect essentiel de notre travail.
Le camarade Evgueni représente le KPU (parti communiste d’Ukraine), qui fait partie du PCUS (Parti Communiste de l’Union Soviétique). Celui-ci est resté vivant malgré la dissolution de l’Union soviétique. Il unit quinze partis communistes, de l’union qu’il nomme « provisoirement non soviétique » (Abkhazie, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Moldavie, Russie, Ossétie du Sud, Tadjikistan, Transnistrie, Ukraine, Ouzbékistan). Le PCUS travaille également en clandestinité dans les pays où le parti communiste est interdit (Estonie, Lettonie, Lituanie, Turkménistan). Il s’inscrit dans une dynamique internationaliste d’unité des travailleurs dans un combat contre le capitalisme.
Evgueni affirme qu’il suit tout ce qui se dit sur la situation en Ukraine dans nos médias, et qu’il n’y entend aucune vérité, notamment sur la situation dans le Donbass et à Odessa.
Il y a deux ans, l’Ukraine ne connaissait pas tous les problèmes actuels, qui ont une racine : l’introduction des États-Unis et de l’Union européenne dans la politique de l’Ukraine. Il y a un an, avec l’aide des gouvernements européens, l’Ukraine a connu un coup d’État ayant amené des fascistes au pouvoir.
Evgueni affirme que le conflit actuel n’est pas vraiment un conflit entre Ukrainiens mais plutôt un conflit entre l’« espace post-soviétique » (incarné par la Russie et ses alliés) et l’OTAN, qui avance son aire d’influence de plus en plus vers l’Est. A ce sujet, la question de l’indépendance de la Crimée a été présentée dans nos médias comme relevant d’une intervention de la Russie dans les affaires intérieures de l’Ukraine. Or l’indépendance a été provoquée par des évènements qui n’ont pas été médiatisés. Près de Kiev, un autobus transportant des habitants de Crimée se rendant à des actions anti-maïdan1 a été brûlé. Suite à cet évènement, qui constitue un élément déclencheur, la Crimée a décidé de mener un référendum pour se détacher de l’Ukraine. Cela s’est concrétisé, comme l’ont souhaité 96.77% de la population de Crimée. Cette décision du peuple de Crimée non reconnue par les gouvernements occidentaux relève pourtant du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
C’est un droit inaliénable reconnu par toutes les conventions relatives aux Droits de l’Homme.
Ce choix d’indépendance est renforcé par le gouvernement de Kiev qui considère que ceux qui ne sont pas Ukrainiens « ethniques » sont des individus de seconde zone. Ils usent d’un nationalisme bourgeois afin de diviser la population de ce territoire. En prenant souvent pour bases des théories raciales, ce nationalisme bourgeois met en avant un prétendu « intérêt national » au détriment de la lutte des classes. L’Allemagne nazie en est le meilleur exemple. Après que les peuples d’Europe aient vécu cela, nous devons tout faire pour empêcher la résurgence du nationalisme sur des bases racistes. Aujourd’hui justement, en Ukraine, des lois ont été promulguées par le gouvernement illégitime, selon lesquelles les fonctions d’État ne peuvent être assurées que par des Ukrainiens dits « ethniques ». Le gouvernement de Kiev voudrait mettre un terme aux langues régionales comme le russe. Les communistes ne parlent pas de nationalisme mais de patriotisme. Le patriotisme, c’est le nationalisme des opprimés, il ne divise pas mais unit les travailleurs. Il pose comme condition que le pouvoir soit entre les mains du peuple et permet une réelle coopération entre peuples souverains. La réalité, aujourd’hui, c’est que les oligarques se battent entre eux et que les peuples d’Ukraine et du Donbass souffrent. Les plus pauvres sont obligés de fuir, et on compte presque un million de personnes sans abri.
La Russie en a accueilli un certain nombre. Elle continue, de plus, à fournir une aide humanitaire aux populations ukrainiennes. C’est pourquoi notre camarade Evgueni insiste sur le fait que les Russes ne sont pas les agresseurs, comme on voudrait nous le faire croire en Occident. Là-bas, personne ne considère la Russie comme agresseur, alors même qu’il y a une vingtaine d’année la population de part et d’autre de la frontière habitait le même pays. De plus, dans l’Est, une grande partie de la population reste très attachée à la culture russe et, dans le Donbass, une très grande majorité de la population est russophone.
D’après la situation actuelle sur le terrain, Evgueni affirme qu’avant la fin du mois prochain, la ville de Marioupol va être prise par les forces du Donbass. La suite des évènements évoluera en fonction des positions de Moscou, de Washington et de Bruxelles. Elle dépendra du degré de soutien que l’Occident apportera aux nationalistes ukrainiens.
La Russie joue aussi son intérêt. Elle a soutenu le parti Syriza en Grèce, ce qui est un premier pas dans la lutte contre le néolibéralisme et la violence que porte l’Union européenne. L’issue des évènements en Ukraine est majeur : soit l’Occident réussira totalement son coup d’État et installera des bases militaires en Ukraine, en faisant ainsi un valet de l’impérialisme de plus, à l’instar du Kosovo par exemple, avec pour objectif la déstabilisation de la Russie ; soit la région restera une zone figée et embourbée dans un conflit qui nuit aux populations locales.
Dans tous les cas, Evgueni souligne le deux poids deux mesures des gouvernements européens, et notamment de la France qui, en même temps qu’elle condamne l’aide de la Russie, conserve ses colonies (les dénommés « DOM-TOM ») et mate les révoltes qu’elles connaissent.
Le camarade Evgueni aborde ensuite la situation à Odessa et l’évènement tragique qui a eu lieu à la maison des syndicats le 2 mai 2014. Il nous remercie pour notre soutien à propos de ce massacre qui a été très dur pour eux. Il explique que le 1er mai de chaque année, lors de la manifestation mondiale des travailleurs, la tradition est que le « meilleur » komsomol porte le drapeau en tête de cortège. L’année dernière, c’est Vadim Papura, âgé de 17 ans, qui le portait. Le lendemain, Vadim s’est fait assassiner.
La tragédie qui s’est déroulée dans la maison des syndicats à Odessa, qu’Evgueni compare au massacre d’Oradour-sur-Glane, reste le sujet de beaucoup d’interrogations. Les rapports des officiels prétendent que les gens qui se sont rendus dans la maison des syndicats y auraient été emmenés pour éviter de violents combats. Ceux-ci avaient été déclenchés par des provocateurs alors même que les camarades appelaient au calme. Or, en réalité, les personnes présentes ont été emmenées dans la maison des syndicats de manière délibérée. Il s’agissait d’un piège, il n’y avait aucune issue de secours. Une fois l’incendie déclenché, les personnes qui ont tenté de s’enfuir ont été achevées sommairement. Au vu du pouvoir fasciste en place actuellement en Ukraine, les quarante-huit victimes n’obtiendront pas justice. Il espère avec une confiance indéfectible en l’avenir que les responsables de ce massacre de masse seront jugés tôt ou tard pour leurs actes. Evgueni affirme que ce crime avait un but : terroriser la population civile, dans une période où, à Donestk et Lugansk, la situation n’était pas favorable au gouvernement, qui avait peur que la jonction soit faite entre les luttes dans le Donbass et à Odessa. A partir de cet évènement, beaucoup de gens ont eu peur de se mobiliser. Alors même que les manifestations hebdomadaires à Odessa prenaient de plus en plus d’ampleur, le massacre y a mis fin.
Les populations locales refusent de fuir de chez elles, car cette terre leur appartient, et sont donc contraintes de supporter petit à petit la fascisation de la vie quotidienne qui peut rapidement s’étendre à d’autres territoires de l’Europe. Ainsi, le Parti communiste d’Ukraine est actuellement sous la menace d’une interdiction sous la pression de Washington.
Le manque d’organisation des fronts antifascistes à Odessa est une explication avancée par Evgueni pour expliquer le fait que le massacre ait pu avoir lieu. Il explique en effet que, pourtant, Odessa, ville de plus d’un million d’habitants, constituait une des places fortes du Parti communiste, qui avait obtenu près de 20% des suffrages aux dernières élections. Le manque d’initiative des anti-maïdan, qui selon lui sont plus enclin à discuter sur les réseaux sociaux que d’agir sur la place publique, explique en partie le manque de réaction à l’offensive fasciste.
Evgueni ajoute que ce sont les prolétaires dans toutes leurs dimensions (aussi bien les salariés, que les chômeurs, c’est-à-dire tous ceux qui ne sont pas propriétaires des moyens de production), qui sont l’avant-garde du mouvement antifasciste. Ce sont aussi eux qui sont les
premières victimes de la violence provoquée par la junte de Kiev. En effet, les bourgeois, eux, peuvent échapper à l’armée en échange d’une taxe de 2000€ qu’ils n’ont pas de mal à payer. Ils n’ont pas de difficulté à fuir les régions et à partir vivre ailleurs. Les pauvres ne peuvent pas se le permettre. Les morts de l’armée ukrainienne sont les pauvres. Ils sont une chair à canon mal entrainée et non préparée aux combats.
Durant la discussion avec la salle, Evgueni est revenu sur la nécessité, dans la lutte contre le fascisme et pour le progressisme, de constituer des fronts unitaires, au-delà des seuls communistes. Il a néanmoins précisé que cette union était difficile à mettre en place dans le contexte actuel du fait des positionnements réactionnaires de certaines organisations.
Il a mis en avant les conditions de vie particulièrement dures auxquelles sont confrontés les étudiants qui n’ont pas les moyens d’étudier, et surtout des femmes.
Les camarades du Parti communiste ukrainien ont tenu à nous remercier pour notre accueil et pour notre volonté de lutter contre la propagande profasciste en Occident. Ils nous ont remis le certificat de l’ordre de Lénine et une médaille commémorant les 90 ans de la création du Komintern (Internationale communiste) provenant du festival mondial de la FMJD (Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique) qui s’est tenu en 2009 au Venezuela.
Vive la résistance anti-fasciste en Ukraine comme en France et partout dans le monde !
Vive l’internationalisme !
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !