Foule du petit matin aux MANIFESTATIONS du 1er MAI en France
Après une crise sans précédent à la CGT, révélée par les frasques d'un secrétaire général qui affiche plus l'image d'un patron syndical que celle d'un combattant aux côtés des salariés ; après son remplacement par un ami de longue date qui réaffirme le tournant réformiste de la Confédération syndicale européenne (CES) ; à un moment où les droits les plus importants sont mis à mal sans réponse syndicale adaptée, la désaffection évidente d'un syndicalisme qui ne fait pas ses preuves en est la conséquence désastreuse. Le syndical est-il en train de rejoindre le néant politique ?
Rien ne semble indiquer une sortie de cette spirale vertigineuse qui consiste à s'enferrer dans un positionnement réformiste et qui ne fait que prononcer le désarroi de nombreux militants de la CGT. Au contraire, alors que certaines fédérations restent opposées à la participation de la CGT à la CES, la Confédération a placé la manifestation du 1er mai sous le signe d'une contestation européenne inaudible, absente, inefficace. Comment imaginer qu'une telle stratégie puisse avoir le moindre succès lorsque les salariés prennent de plus en plus conscience que les dérèglementations, les massacres du droit du travail, la voie vers la précarisation généralisée sont une injonction de l'Union européenne mise en œuvre par un gouvernement qui, profondément impliqué, n'a d'autre choix que l'application de ses exigences ? C'est ainsi que les salariés subissent une pression sociale sans commune mesure par une gauche autant décomplexée que l'était la droite au pouvoir, situation contradictoire qu'ils ont du mal à accepter et pour laquelle la réponse de la CGT reste inadaptée.
La manifestation du 1er mai est l'illustration éclatante d'une désaffection progressive des militants et des salariés en général. Tandis que la confédération se glorifie du succès d'une manifestation qu'elle dit européenne, loin de constater une mobilisation massive des syndicats au niveau européen, les boulevards parisiens restent désespérément clairsemés. La pluie ajoute à cette tristesse, mais n'est certainement pas la cause de cette désaffection. Il n'a échappé à personne que la manifestation « unitaire » souffrait cruellement de l'absence des principaux syndicats représentatifs : la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO. Comment dans ce cas avancer l'idée d'une unité quand, à l'image d'une concurrence farouche entre salariés, dénoncée à juste titre par la CGT à longueur d'année, les syndicats aussi se divisent allègrement sur des sujets essentiels ? Il ne suffit pas alors de tenter de rassembler avec des slogans trompeurs, car les salariés sont bien plus clairvoyants. Las de se faire avoir par un pouvoir qui se dit de gauche et qui applique une politique de droite, las de tenter d'infléchir cette politique avec des partis dits progressistes qui sont finalement les alliés de ce pouvoir, las de sacrifier des journées de travail au bénéfice de grèves qui ne débouchent jamais plus sur aucune avancée sociale, les salariés demandent plus que des slogans incantatoires.
Que signifie « mondialiser le progrès social » si, à travers sa participation active à la CES, la CGT n'a aucun moyen de s'opposer au capitalisme mondialisé, sinon que par une contestation purement symbolique, non suivie des foules espérées ?
Comment « mondialiser le progrès social » si, le premier pas vers une démondialisation réussie étant la sortie de la France de cette Union européenne capitaliste, il n'est dans l'esprit d'aucun responsable politique ou syndical de faire ce saut salvateur ? Comment dans ce cas espérer « mondialiser le progrès social » lorsque les conditions de cette mondialisation sociale l'en empêchent évidemment au niveau mondial, mais même au niveau européen et national ? Comment « mondialiser le progrès social » lorsqu'il n'est pas possible d'y contribuer ne serait-ce qu'au niveau national... pour commencer ? A moins que l'ambition de la réussite de cette mondialisation ne soit prévue que pour un temps relativement long. Très long alors, car rien ne permet d'espérer pour l'instant la moindre évolution au niveau européen. C'est l'éternel mirage d'un changement de l'Europe de l'intérieur. Personne ne peut pourtant douter de l'impossibilité d'un changement des conditions sociales européennes à l'intérieur des instances, car les traités empêchent le moindre exercice démocratique, exercice que nos maîtres européistes récusent d'ailleurs publiquement. Le peuple ne peut décider de son avenir social dans cette Europe capitaliste.
Alors pourquoi la CGT persiste-t-elle dans son orientation européiste ? Pourquoi la CGT se fait-elle complice d'un système dont rien ne démontre qu'une sortie n'est possible ? Quels sont les conditions qui incitent à ce point la CGT à se plonger dans des contradictions qui imposent des conséquences effroyables aux salariés et dont on peut être certain qu'aucune issue progressiste ne peut se profiler au bout d'un marathon social qui peut durer... des siècles ? Seul un tournant décisif et courageux de la CGT pourrait créer un revirement social qui encouragerait les salariés à plus de combativité. Sans perspectives que celles qui nous sont offertes au plan national depuis des décennies et qui aboutissent aujourd'hui à l'accompagnement de mesures régressives, la désaffection se poursuivra, mais la colère s'amplifiera. Si la CGT ne tient pas compte de ses contradictions, elle ne sera que spectatrice d'une mobilisation désordonnée et spontanée qui se fera à n'en pas douter... mais sans les syndicats et surtout sans la CGT.
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