La lutte des FRALIB : 1336 jours et pas un milliardaire (par Charles Hoareau)
1336 !!!
Il y a eu les jours fous, les jours de colère, les jours d’angoisse, les nuits sans fin, les jours de doute et les jours d’espoir et là il y a le jour serein, le jour sage où l’utopie des premiers jours prend corps…
Pas un boulon n’est sorti d’ici !
Au contraire l’usine est, et pas que pour la circonstance, briquée, entretenue, prête à produire en grand. Les blouses vertes toutes neuves s’agitent de tous côtés comme pour les grands jours de lutte et de rassemblement qu’a connu l’entreprise sauf que là il ne s’agit pas de rassemblement de lutte dans une usine occupée mais de l’ouverture en grand des portes du usine récupérée au capital par quelques dizaines de salarié-e-s déterminé-e-s soutenus par des milliers de salarié-e-s qui de toute la France, à commencer par les Bouches du Rhône, qui y ont cru et ont porté la lutte au point pour certains d’apprendre à boire du thé vert ce qui est très bon pour la santé !!!
Le premier sur lequel je tombe est Yves : « alors vous êtes prêts ? »
La réponse fuse : « on est prêts depuis 5 ans »…évidemment !
Amine, Freddy, Jean-Louis, quelques un des premiers soutiens ont droit à la blouse verte qu’ils endossent avec bien plus de fierté qu’un smoking venu tout droit du festival de Cannes…
L’émotion est discrète et comme toujours dans ces jours-là qui ont compté depuis 5 ans, en ce jour ô combien particulier, les mots sont rares…On parle avec les yeux…
Que peut-il bien se passer dans la tête de quelqu’un qui a passé 1336 (et autant de nuits !) à lutter, croire, espérer, douter ? Difficile à décrire et c’est bien pour cela que les mots sont rares. On n’est pas dans les rodomontades mais là encore, on prend la journée avec sérieux comme les autres. Avec application les ouvriers installent le barnum et les nappes, d’autres accueillent les journalistes et les amènent dans les ateliers, d’autres reçoivent chaleureusement les visiteurs. La joie est palpable, une étape est franchie et quelle étape !
On se remémore des moments de cette lutte historique.
Midi : édition spéciale de FR3 Méditerranée sur le lancement de la marque FRALIB. Une presque première nous semble-t-il pour une boite en lutte. On s’entasse dans la salle de restauration pour voir en direct l’émission avec l’interview de Gérard Cazorla, ex secrétaire CGT du CE, devenu président de la SCOP. Dans la rétrospective on siffle le sinistre LLOVERA, on commente avec des propos amusés les images montrant Hollande ou Montebourg et on revoie avec émotion Raymonde qui, il y a un an le 26 mai 2014, déclarait à la sortie de l’assemblée générale : « c’est pas croyable ! jusqu’à hier j’étais en lutte et aujourd’hui je reprends le travail ! ».
Aujourd’hui la reprise est devenue une réalité palpable…
L’émission continue avec Nadine qui au contrôle qualité explique les procédures et les méthodes pour tester le goût de produits qui vont être désormais millésimés. Comme le dit Nadine le label bio ce n’est pas pour faire tendance mais bien en accord avec la conception des scoptistes !!! Et puis permettre aux producteurs de Buis Les Baronnies de relancer une production qui était tombée en désuétude, travailler avec les paysans du Viet Nam sans passer par les esclavagistes des temps modernes qui au nom d’UNILEVER enferment des villages entiers au Kenya c’est en soit une victoire ! [1]
L’émission se termine et, fait rare, en particulier pour un journal télé, spontanément les spectateurs applaudissent.
Les visiteurs commencent à affluer. Sur un coin de table les ouvriers mangent comme ils peuvent entre deux embrassades avec un nouvel arrivant, la réponse à la question d’un journaliste ou l’interpellation d’un camarade.
Les aiguilles tournent et une certaine impatience se fait sentir…On se dirige vers l’atelier théâtre naguère de tant d’assemblées et de la fête du 4 juillet 2014 où se succédèrent entre autres à la tribune Los Théâtros, HK et Audrey VERNON.
Dans un silence imposant et devant un parterre bien fourni de journalistes de la presse écrite, de photographes de caméramans derrière lesquels une assemblée se dresse attentive Gérard donne la parole à Marie, la doyenne des coopérateurs. Elle annonce « SCOP-TI s’engage dans une voie respectueuse des salarié-e-s, moins hiérarchisée, plus égalitaire et où chaque voix compte. (…) Nous avons pour objectif de relancer une filière provençale mise à mal par le capitalisme et sa politique de de casse et de délocalisations. »
13h 36 : horaire garanti et explicite : le film démarre.
La marque est dévoilée
[1] voir à ce sujet l’émission d’ARTE
SOURCE: