Vers un COUP d’ÉTAT « soft » en GRÈCE ?
Les eurocrates les plus fous sont prêts à tout, y compris au pire. Il suffit pour s'en convaincre de lire, en ce jour de sommet européen exceptionnel, un récent éditorial signé d'Arnaud Leparmentier. Oubliant que les Grecs se sont choisis démocratiquement ceux qui les gouvernent, celui-ci écrit noir sur blanc comment les destituer !
Si les Grecs ont inventé la démocratie, d’autres ont en tête de leur appliquer la technique du coup d’Etatsoft, histoire sans doute de leur faire oublier la version hard expérimentée du temps des colonels.
La chose a été explicitée de manière sereine par Arnaud Leparmentier, éditorialiste du Monde connu pour ses penchants néolibéraux décomplexés. Ayant expliqué que tout le mal venait non de la Troïka mais des Grecs eux-mêmes (air connu) et que l’Europe courait au désastre au cas de « Grexit » (ce qui n’est pas exclu), Leparmentier en arrive à la conclusion suivante : « La Grèce doit trouver un accord avec les Européens. Signé par Alexis Tsipras ou un autre, peu importe ».
Comment ça « peu importe » ? Il y aurait donc un autre représentant du peuple grec que l’on pourrait sortir de sa manche et installer à la place de celui qui a été dûment élu ? On a beau se frotter les yeux, telle est l’hypothèse envisagée par le vénérable éditorialiste d’un journal qui aime à faire des leçons de démocratie à la planète entière.
Lisons le plus avant : « Il existe des précédents peu reluisants. C’était en novembre 2011, au G20 de Cannes, au plus fort de la crise de l’euro : le Premier ministre grec Georges Papandréou et l’Italien Silvio Berlusconi avaient comparu au tribunal de l’euro devant Sarkozy, Merkel et Obama. Bien sûr, ils ne furent pas putschés comme de malheureux démocrates sud-américains victimes de la CIA. Mais de retour dans leur pays, ils ont comme par miracle perdu leur majorité. Papandréou fut remplacé par le banquier central Loukas Papademos et Berlusconi par l’ex-commissaire européen Mario Monti. » Au passage, on appréciera la notion de « tribunal de l’euro », digne des procureurs de l’URSS, avec Obama, le roi du dollar, dans le rôle du juge suprême.
Arnaud Leparmentier continue son rêve à voix haute et à plume libérée : « Imaginons donc un scénario de crise : 30 juin, constat de défaut de la Grèce : 1er juillet, panique bancaire et instauration d’un contrôle des changes par Tsipras, contraint et forcé ; 2 juillet, mise en minorité du gouvernement Tsipras par les irréductibles de Syriza ; 3 juillet, constitution d’un gouvernement d’union nationale, avec ou sans Tsipras ; 4 juillet, retour des négociateurs à Bruxelles-Canossa. Odieusement antidémocratique ? Les Grecs jouent au poker. Pourquoi pas nous ? » Fin de la leçon d’éducation civique.
Bref, dans un journal qui sermonne quotidiennement la Russie, un éditorialiste de renom propose de traiter la Grèce avec la délicatesse de Poutine en Ukraine. On a les modèles qu’on peut.
Jusqu’à preuve du contraire, les Grecs ne jouent pas au poker : ils jouent leur peau, leur souveraineté, leur dignité et leur place dans une Europe qui a tendance à les oublier. C’est déjà beaucoup. Comme l’écrit l’économiste américain Jeffrey Sachs, peu suspect de dérive gauchisante puisqu’il fut l’un des instigateurs de la « thérapie de choc » dans la Russie de Boris Eltsine : « Les exigences de l’Europe sont fondamentalement autodestructrices. En les rejetant, les Grecs ne jouent pas. Ils essaient de survivre ».
Sauf à demander à Alexis Tsipras de se suicider pour le plaisir des banquiers, nul ne peut décemment lui suggérer de poursuivre une politique qui a produit une catastrophe humanitaire et économique vérifiable par tous, à l’exception des esprits taquins qui considèrent que la Grèce ne vaut que par les îles ensoleillées où les bobos vont se dorer la pilule pendant les mois d’été. Quant à le menacer d’un complot pour le déstabiliser, comme dans un roman de John Le Carré, c’est la confirmation que les eurocrates les plus fous sont prêts à tout, y compris au pire.
L’étonnant, dans cette affaire, n’est pas que certains préparent une Grèce post-Tsipras imposée par la volonté de créanciers se rêvant en apprentis putschistes. Non, l’étonnant est qu’une telle hypothèse puisse être imprimée noir sur blanc dans un journal comme Le Monde sans susciter de réactions indignées, comme si la démocratie était devenue un passager encombrant.
Jack DION
SOURCE: