Au Front de GAUCHE, à CHACUN son Europe
« Ça fait mal au cœur, mais il faut être réaliste. Le Front de gauche, d’ici peu, ne sera bientôt plus », lance amer, un élu communiste croisé dans les allées du parc de La Courneuve où se tient cette nouvelle édition de la Fête de l’Humanité. Faut-il croire cette prédiction pessimiste ? A en juger par la tournure que prend cet emblématique rendez-vous de la gauche anti-austérité, certainement.
On le sait : depuis les dernières municipales, les tensions sont très vives entre les deux partenaires historiques du Front de gauche, le PCF et le PG, quant aux stratégies d’alliance électorale à adopter. Avec les départementales, ces tensions étaient retombées un temps avec le refus de Pierre Laurent, le chef de file des communistes, de ne pas partir grouper avec le Parti socialiste. Un temps seulement. Car les régionales ont ravivé les vieilles blessures, avec l’incapacité pour les composantes du Front de gauche de s’accorder sur une stratégie nationale.
Et histoire de compliquer un peu plus les choses, depuis peu, un nouveau sujet de discorde est apparu avec la question européenne.
Cette question du rapport aux institutions européennes et au cadre réglementaire de l’UE (révélée par la crise grecque et la passe d’armes remportée par l’ex-Troïka contre la stratégie Tsipras) a ouvert un nouveau terrain de mésentente entre les communistes et les soutiens de Jean-Luc Mélenchon.
Jusqu’à présent, cette épineuse question du rapport aux institutions européennes (à savoir : comment mettre en place, une fois arrivé au pouvoir, un programme anti-austéritaire dans un cadre réglementaire européen qui interdit ce type de politique) avait été soigneusement évitée au sein du Front de gauche. Comme le pointaient plusieurs intellectuels de gauche. Mais la crise grecque oblige, il a bien fallu se positionner…
Résultat : la direction du PCF continue d’apporter son soutien à Alexis Tsipras, s’accrochant à l’idée qu’il est possible de faire changer les institutions de l’Union européenne de l’intérieur, tandis que le PG qui veut tirer les leçons de l’expérience Syriza et préparer un plan B dont on a du mal à voir, pour l’instant, les contours.
Cette divergence s’affiche pleinement et physiquement ce week-end à la Fête de l’Huma. Avec, d’un côté, un débat pour un plan B en Europe au stand du PG réunissant Jean-Luc Mélenchon, le Grec Yanis Varoufakis, l’Allemand Oskar Lafontaine et l’Italien Stefano Fassina et, de l’autre côté, une rencontre intitulée « Ensemble pour une autre Europe avec le peuple grec », chapeautée par Pierre Laurent et des soutiens à Syriza. Drôle d’ambiance donc à La Courneuve.
Pourtant, sur le papier, ces deux initiatives politiques peuvent apparaître comme complémentaires. Avec un chef de file communiste en charge d’explorer toutes les éventualités d’un plan A, nouant les alliances nécessaires pour peser sur la politique communautaire au sein des institutions existantes. Et un Mélenchon, planchant sur ce fameux plan B en cas d’échec du plan A. Mais pour cela, il faudrait que les deux partenaires historiques du Front de gauche se considèrent encore comme tels et non comme des adversaires...