NUIT DEBOUT : La France est-elle prête pour faire aboutir un mouvement citoyen ?
Mercredi, 6 avril 2016
Ce soir ils sont plus nombreux encore que la veille, plusieurs centaines à coup sûr, membres d’un mouvement « informel et citoyen né de l’occupation de la place après la manifestation du 31 mars contre le projet de loi Travail . « Le mouvement est né d’une organisation en réseaux distribués en autogestion. Tout est décidé lors des assemblées générales retransmises en direct sur Périscope », nous explique l’un d’eux qui jusque-là ne s’était jamais engagé en politique, ni même dans une association. Ils sont beaucoup comme lui qui ont répondu à l’appel du collectif « Convergence des luttes ». Le 31 mars il invitait à « occuper une place, un lieu, on verra bien où » et la place de la République était toute désignée pour protester contre le projet de loi du Travail mais pas seulement.
Ce soir 6 avril, 37 mars selon leur calendrier auto-proclamé, comme les soirs précédents un grand débat à ciel ouvert durera plusieurs heures. A partir de 18 heures, les témoignages se succèderont devant une assistance assise parfois à même le sol qui, selon un code hérité des « indignés » espagnols, agite les mains pour dire « d’accord » et croise les poignets pour dire « non ». Les intervenants sont inscrits sur un carnet et attendent leur tour. Un volontaire chronomètre : pas plus de trois minutes chacun et l’on vote pour tout à main levée. Aucun sujet n’est tabou, les migrants, les salariés, le chômage, le code du travail, l’exercice du droit de vote, les lois sur la prostitution, le logement, les crèches et le sort des lycéens interpellés dans les manifs…
Tandis que la soirée avance, la place de la République se remplit, prend des allures de village solidaire. A côté de la crèche des poussettes sont rangées, la cantine « à prix libres » n’arrête pas de fournir et l’infirmerie tient porte ouverte. On rit, on parle, parfois on danse, on explique le pourquoi et le comment de l’aventure aux curieux qui, passé l’étonnement, viennent au contact de cet événement dont tous les médias se font l’écho. Un media center répond aux sollicitations. Les affaires courantes qui relèvent de l’organisation et de la propreté sont rondement menées, l’autogestion remplit parfaitement son office et une urne en carton recueille les dons destinés à financer la logistique.
Aboutir à quelque chose de concret
Quelles sont les objectifs de ces citoyens que l’on aurait tort d’appeler les « indignés français », certains ne sont « pas convaincus par Podemos » le parti espagnol né du mouvement des « indignés » de la Puerta del Sol en 2011. En 2012 certains avaient tenté d’organiser un mouvement des indignés en France vite abandonné. Un membre de la commission communication rappelle que Podemos a échoué « à transformer les institutions ». Est-ce l’ambition de la Nuit debout ? « Il y a une prise de conscience. Qu’importe le déclencheur. En tout cas, nous sommes tous d’accord sur un point : la démocratie ne fonctionne plus, il n’y a aucun espoir de changement par la politique », dit une cinquantenaire qui a derrière elle un long passé de manifestante.
Comment passer du constat à l’acte ? Sur le sujet les « Nuideboutistes » sont prudents et bottent facilement en touche. Il est sans doute trop tôt pour envisager l’avenir de cet espoir de changement. Le mouvement n’en est encore qu’à sa phase de construction. Cependant il s’installe dans la durée. « On espère que ça va déboucher sur quelque chose, que les lignes vont bouger », disent trois jeunes Grenobloises de passage dans la capitale. « Comme tout mouvement de gauche qui a du sens, la Nuit debout est sympathique », affirme Rémi qui a manifesté pour la première fois en 1968 et en garde un bon souvenir à 72 ans.
En attendant le mouvement prend de l’ampleur et essaime dans plusieurs villes de France.
F.C.
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