«PANAMA PAPERS» : cherchez les absents ! [par Michel Collon]
Dans l'affaire des révélations des «Panama Papers» le plus important est ce dont les médias ne parlent pas. L'écrivain Michel Collon explique.
On ne parle que de ça : de grands médias français, britanniques, italiens, allemands et belges ont publié des listes de fraudeurs fiscaux industriels. Intéressant. Mais, comme souvent, le plus intéressant réside dans ce que ces médias ne disent pas.
D’abord, c’est un peu du réchauffé. Dès décembre 2014, un journaliste américain, Ken Silverstein, dénonçait la firme Mossack Fonseca comme plaque tournante de la création de compagnies offshore, de blanchiment d’argent au service des multinationales et d’autres intérêts. Il pointait explicitement le plus riche businessman syrien : Rami Makhlouf.
Où sont ces riches étatsuniens dans la liste aujourd’hui mise en avant par les médias occidentaux ?
Silverstein rappelait que Panama est un faux pays, créé et imposé en 1903 par les Etats-Unis, en amputant la Colombie afin de transformer le stratégique canal de Panama en jardin privé des intérêts US. Pas étonnant donc que Panama soit aussi devenu un paradis fiscal pour les riches étatsuniens. Silverstein indiquait que ceux-ci «détiendraient selon les estimations mille milliards de dollars cachés dans les paradis off shore, impliquant une perte annuelle pour le fisc de cent milliards».
Alors, où sont ces riches étatsuniens dans la liste aujourd’hui mise en avant par les médias occidentaux ? Nulle part ! Rien, nothing, nada.
Explication ? En 2013 déjà, des tonnes de documents sur cette firme avaient été fournis au quotidien allemandSuddeutsche Zeitung. Ils portaient sur 214 000 compagnies off shore et 14 000 clients de Mossak Fonseca. Ce quotidien est pro-occidental, pro-OTAN pro-UE. Pour traiter cette masse de documents, il s’est associé à d’autres médias de même tendance.
Et voilà donc que, comme par hasard, les révélations d’aujourd’hui ne concernent :
- aucune grande banque US
- aucun hedge fund style Soros, Buffett et compagnie
- aucun congressiste US
- aucun responsable de l’OTAN
- aucun politicien européen de premier plan
Quelle bonne nouvelle, non ! Aucune grande banque occidentale ne pratique la fraude fiscale ! Aucun grand dirigeant politique ou militaire occidental ne planque ses millions à l’étranger ! Aucune grande multinationale US ne triche avec ses impôts ! N’est-ce pas merveilleux ?!
La liste occidentale dénonce les dirigeants syriens et toute une série d’ennemis fréquemment diabolisés par les médias de l’Ouest
Certes, on parle de certains politiciens, de certaines fortunes privées en Europe, de criminels internationaux, de sportifs célèbres et ce n’est pas inintéressant. Mais la plupart d’entre eux ne plaisent pas, pour des raisons diverses, aux Etats-Unis. Alors, il faut se rappeler le célèbre adage anglais «Who pays the piper, chooses the music» (Celui qui paie le flutiste, choisit la chanson).
La liste occidentale dénonce les dirigeants syriens et toute une série d’ennemis fréquemment diabolisés par les médias de l’Ouest. Nous n’avons pas les moyens de trancher sur toutes les accusations portées. Mais il convient de réfléchir sur la raison des absences.
Qui finance (entièrement) l’ International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) qui a traité les documents ? Le gratin des fondations US les plus réactionnaires et les plus criminelles constamment engagées dans les guerres et les coups d’Etat made in USA :
- Fondation Ford
- Carneggie Endowment
- Rockefeller Family Fund
- W. K. Kellogg Foundation
- Open Society de George Soros
- etc.
Le plus important est ce dont les médias ne parlent pas
L’ICIJ fait partie d’un réseau de recherche : Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) qui est financé par… le gouvernement des Etats-Unis via son agence bien connue USAID.
L’ancien ambassadeur US Craig Murray analyse à juste titre : «Les médias mainstream protègent le 1% occidental». Et le site indépendant Moon of Alabama fait à juste titre remarquer que les fuites proviennent très probablement des services secrets US et que leur publication très partielle signifie deux choses :
1. Il s’agit d’impliquer différents «ennemis de l’empire».
2. Il indique à certaines personnalités importantes, figurant dans les Panama Papers, mais pas encore publiés, qu’on peut à tout moment exposer leur «linge sale».» Soit un parfait instrument de chantage pour servir les intérêts US.
Comme souvent, le plus important est ce dont les médias ne parlent pas.
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