Premier « CAFÉ POLITIQUE » de « Descartes » : On est venu, on s'est vus, on s'est connus !
Eh bien, c’est fait. Le premier « café politique » des lecteurs et des commentateurs de ce blog a finalement eu lieu. Hier soir (le 25 mai 2016), nous étions un peu plus d’une dizaine à nous réunir à 18 heures dans un lieu hautement symbolique, le Café du Croissant, pour faire connaissance et bavarder. Bavarder de tout et de rien : des livres qu’on a lu, des pensées qu’on a pensé, de ce qui nous enthousiasme et de ce qui nous attriste, et bien entendu de politique et d’histoire. Et lorsque nous avons regardé nos montres, il était 23 heures !
Je ne vais pas faire un compte rendu des discussions. Ce serait d’ailleurs difficile : on a tellement parlé, et puis des petits groupes se formaient et se déformaient selon les sujets abordés et l’humeur de chacun (1). Mais cette rencontre me donne envie de revenir sur un aspect qui est au cœur de ce blog. Je veux parler de l’esprit « salonnier ».
Un esprit qui a été fort décrié chez ceux qui jouent au jeu du « plus révolutionnaire que moi tu meurs ». Qui n’a pas entendu parler avec mépris d’un « révolutionnaire de salon », modèle de vantardise et d’imbécillité ? Qui n’a pas entendu l’expression « discussion de salon », paradigme d’un échange inutile ? C’est oublier le rôle capital que les « salons » ont joué au XVIIIème siècle. C’est dans les « salons » que les idées nouvelles des Lumières, qu’elles soient scientifiques, philosophiques ou politiques, se sont développées et diffusées. C’est là que la Révolution française est née. Et ce n’est pas un hasard : dans des sociétés ou le contrôle social et religieux était puissant, le « salon » était un lieu protégé, ou les esprits ouverts pouvaient se confronter en toute confiance et soumettre des idées et des propositions qui exprimées ailleurs leur auraient certainement valu de gros ennuis.
Mais qu’est ce qui permettait une telle liberté dans les « salons » ? Le simple fait que l’échange se fait entre des gens qui à défaut de s’estimer, se respectent. Et qui le marquent par ce grand rituel dont Alain Finkielkraut souligne combien il est français : la politesse. Ceux qui pensent que seul le fond compte se trompent. Il y a un rapport dialectique entre le fond et la forme. Un échange, un débat, une confrontation sont infiniment plus libres, et donc plus enrichissants, lorsqu’il se développe entre des gens qui se respectent et qui le marquent par le choix des mots et des formes. On réfléchit beaucoup mieux ensemble quand notre interlocuteur nous dit « je pense que vous vous trompez » plutôt que « vous êtes un imbécile et un ignorant ».
C’est cette réflexion qui a présidé à la création de ce blog : créer un espace d’échange ou chacun se sente respecté, où chacun puisse exprimer ses idées sans craindre d’être injurié ou harcelé. C’est pourquoi la seule règle d’or de ce blog, la seule qui pour moi justifie de censurer un commentaire – outre bien entendu les contraintes légales – est l’impolitesse. Je n’ai jamais censuré une opinion, et le ciel sait qu’il s’en est exprimé avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Mais pour moi toute opinion exprimée avec correction doit avoir droit de cité. Et si j’ai été quelquefois impoli sans le vouloir dans le feu de l’action, je me suis toujours excusé.
J’ai été ravi hier soir de constater que cette idée était partagée par ceux qui ont répondu à la proposition de nous réunir. Nous étions dix personnes en désaccord sur beaucoup de sujets, mais d’accord au moins sur une : on ne peut penser seul. On pense avec les autres, et contre les autres. Et penser implique donc un espace où l’on puisse se confronter sans se blesser. Bien sûr, me diront certains, ce n’est pas avec ça qu’on changera le monde, qu’on fera la Révolution – quel que soit la nature de la Révolution qu’on appelle de ses vœux. C’est vrai, mais cela n’a jamais été l’objectif de ce blog. Je ne suis ni un dirigeant politique, ni un gourou. Mon blog n’est pas un lieu de propagande, et ne prétend convaincre personne. C’est un lieu qui m’aide – et je l’espère, aide d’autres – à penser. Aujourd’hui, ce qui manque à notre pays ce ne sont pas des gens qui montent aux barricades, tout simplement parce qu’il n’y a pas de véritables barricades en vue. Nous avons par contre un besoin désespéré de gens qui pensent, d’esprits tolérants capables d’entendre un autre discours que le leur et surtout qui éprouvent du plaisir à le faire.
Car tout projet politique qui exclut le plaisir est un mauvais projet. C’est cet esprit que ce blog essaye de diffuser, et je suis ravi de voir que tant de participants, et surtout tant de participants jeunes, le partagent.
Voilà ce que je tire de notre longue soirée d’échanges. Je suis sûr que les autres participants ont tiré d’autres choses, et je suis curieux de les entendre. Je ne doute pas qu’ils s’exprimeront dans leurs commentaires. Il me reste à remercier celui à qui nous devons en grande partie cette soirée, et qui porte depuis bien longtemps le projet : J’ai nommé ce cher BolchoKek, qui non seulement m’a convaincu qu’il fallait organiser cette rencontre, mais qui ensuite à pris sur lui le travail d’organisation. Honneur à qui honneur est dû.
Ah oui, une dernière chose. Plusieurs des participants ont souhaité que l’expérience se prolonge, et qu’on organise une nouvelle rencontre – dans un endroit plus tranquille – mais cette fois-ci avec un thème de réflexion qui organise les échanges. Je suis bien entendu tout à fait disposé à tenter l’expérience… et cela donnera l’opportunité à tous ceux qui ont regretté de ne pas avoir pu participer à cette première rencontre de prendre leur revanche. Reste à trouver le lieu et la date…
En tout cas, un grand merci à tous ceux qui sont venus – et à tous ceux qui ont regretté de ne pas pouvoir venir. Pour moi, un grand encouragement à continuer !
Descartes
Le 26 mai 2016
(1) Je regrette d’ailleurs ne pas avoir pu échanger plus avec les derniers arrivés, qui étaient en bout de table… ce sera pour la prochaine fois !
SOURCE: