La PRIMAIRE, un semblant de démocratie [par Michel Urvoy]
De droite ou de gauche, la primaire est un moyen commode de civiliser le choix, forcément cornélien, d’un candidat. Mais la méthode a des conséquences que l’on ne soupçonne pas. (AFP)
1) Elle contribue à perpétuer le système. La règle en est d’ailleurs fixée par ceux-là mêmes qui espèrent en être les bénéficiaires. Le vainqueur étant celui qui tient le mieux son camp, son parti, il n’y a pratiquement pas de place pour le renouvellement interne. Les finalistes seront ou les mêmes qu’en 2007 et 2012, ou des vieux briscards de la politique.
Hors des partis et de la primaire - c’est toute la difficulté pour Arnaud Montebourg, Emmanuel Macron et les mouvements citoyens - le pari est quasi impossible. C’est ainsi que l’on peut avoir un candidat, de droite ou de gauche, minoritaire dans l’opinion - 80 % des électeurs ne veulent ni de Nicolas Sarkozy, ni de François Hollande - élu Président !
2) La primaire « extrémise » le débat. On le voit à droite avec les thèmes mis en avant par Nicolas Sarkozy dans l’espoir de « sucer le sang » du Front national. On le voit à gauche avec la bousculade des candidats - Montebourg, Hamon, Lienemann, Filoche… - pour conquérir les déçus de François Hollande.
Le problème est qu’après s’être appuyé sur l’électorat le plus radical, il faut se recentrer pour trouver une majorité au second tour. Et sans trahir les électeurs du premier tour ! Les électeurs du Front national ne se sont pas laissé prendre deux fois par Nicolas Sarkozy. On a vu ce qu’il en coûte à un social-démocrate d’avoir affirmé que la finance est son ennemi. Les hommes d’État qui susctient l’adhésion sont ceux qui sont directement élus par une vraie majorité sociologique.
3) La primaire n’implique pas que l’on choisisse le meilleur. Pour les militants, Socialistes ou Républicains, qui en sont les électeurs, la priorité est de faire gagner son camp. À un moment, la préférence ira à celui (à celle?) que les sondages désignent comme étant le plus à même de gagner la présidentielle.
Pour qu’elle devienne un instrument vraiment démocratique, qui ne dépendrait pas de la seule mobilisation des plus engagés et des plus enragés, il faudrait que les 45 millions d’électeurs inscrits y votent ! Ne pas y participer, c’est laisser à une minorité le soin de choisir à la primaire le vainqueur probable de la présidentielle.
Michel Urvoy
PS: au moment d'écrire ces lignes, je reçois un petit essai d'Alexis Corbière, "Le piège des primaires" (les éditions du Cerf, 5 euros). Essai dans lequel le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon dit en partie la même chose.
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