COMÉDIE : Quand FILLON se prend pour DE GAULLE…Étranges similitudes de langage [Tribune libre de Philippe Arnaud - AMDTours]
Comme nombre d'entre vous, je suppose, j'ai regardé ce jour [01/03/2017], peu après midi, la brève déclaration où François Fillon annonce qu'il ne se retirera pas mais poursuivra sa campagne présidentielle jusqu'au bout.
Cette déclaration ne peut pas ne pas faire penser à une autre, plus ancienne (il y a près de 50 ans déjà !), celle du 30 mai 1968, où le général de Gaulle après les manifestations, grèves, occupations du mois en cours, annonçait qu'il resterait et organiserait un référendum (qui n'eut d'ailleurs pas lieu).
Ayant vécu les deux événements, j'ai été frappé, à un demi-siècle d'intervalle, de similitudes entre ces déclarations. D'où vient ce sentiment de parenté ?
1. Ces déclarations sont le fait, toutes les deux, d'un dirigeant du même parti de droite puisque LR succède à l'UMP, qui succède au RPR, qui succède à l'UDR, qui succède à l'UNR, qui était le parti du général de Gaulle.
2. Elles touchent toutes les deux un homme ayant la même fonction ou aspirant à l'avoir : celui qui était président de la République et celui qui veut le devenir porté par le même parti (ou, plus, précisément, par le parti qui est l'avatar du premier).
3. Elles interviennent en gros à l'issue d'un mois où le dirigeant en question est fortement bousculé, l'un par les manifestations, grèves et occupations de la France entière, l'autre par un scandale financier où le soupçonne d'avoir fait bénéficier ses proches de fortes sommes d'argent contre un travail fictif. Dans les deux cas, l'intéressé semble un moment déboussolé, perdu, démoralisé.
4. Dans les deux cas, un événement est annulé : le conseil des ministres du mercredi 29 mai 1968 pour de Gaulle, la visite du salon de l'agriculture du 1er mars 2017 pour Fillon. Dans les deux cas, tout le monde se demande où est passé l'intéressé et l'opinion la plus probable est que cette absence prélude à une annonce de démission, de renoncement, de désistement.
5. Dans les deux cas enfin, la réponse de l'intéressé est qu'il se maintient. Sur la forme, maintenant :
- Le discours de de Gaulle comprend 426 mots, où apparaît 5 fois l'adverbe de négation "pas", soit 1,17 % des mots. Le discours de Fillon comprend 868 mots où l'adverbe "pas" apparaît 11 fois, soit 1,27 % des mots. Cet adverbe, où l'intéressé indique sa volonté de ne pas céder, apparaît donc, globalement, avec la même fréquence à 49 ans d'intervalle.
- Le nom "France" ou "Français" apparaît deux fois chez de Gaulle et sept fois chez Fillon. Le terme Français, en nom ou en adjectif, apparaît plus souvent chez Fillon que le nom France (on peut, peut-être, hasarder l'hypothèse que, derrière ce "Français", Fillon pense davantage à ses électeurs et aux sympathisants de droite qu'à l'ensemble des Français). [Je n'ai pas compté dans la liste ce qui figure en adresse initiale et finale à l'auditoire].
- Chez de Gaulle, les mots qui désignent l'adversaire, l'ennemi, le danger, sont : intimidation, intoxication, tyrannie, groupes organisés, totalitaire, subversion, dictature, communisme totalitaire, apparence trompeuse, ambition, haine, rancart.
- Chez Fillon, les mots qui désignent l'adversaire, l'ennemi, le danger, sont : à charge, condamner, violés, écartés, calculée, empêcher, irrégularités, graves, assassinat, fauché, muselé, expulsé, percuté, folle aventure, extrême-droite, hollandisme. Les deux registres sémantiques ne sont pas les mêmes. Celui de de Gaulle se réfère à la France et au pays, celui de Fillon à lui-même, à sa famille et à son électorat. Ce qui est amusant, c'est qu'en cinquante ans, le "danger" est passé du communisme (et même du "communisme totalitaire") au hollandisme. On mesure par là que le monde est devenu bien moins dangereux... En revanche, l'idée qu'on évoquerait, 50 ans après, une aventure de l'extrême-droite, aurait sans doute fait frétiller d'aise Tixier-Vignancourt...
- Chez de Gaulle, les mots République ou républicain apparaissent quatre fois, chez Fillon deux fois. Le mot démocratie apparaît une fois chez de Gaulle et deux fois chez Fillon. Apparemment, pour de Gaulle, la République était plus importante que la démocratie...
- De Gaulle utilise onze fois le pronom je (ou j'), Fillon dix-sept fois. Soit 2,58 % des mots chez de Gaulle et 1,96 % chez Fillon, soit à peu près un quart de moins chez Fillon que chez de Gaulle. Dans la mesure où ce pronom exprime l'autorité, la volonté, l'assurance, il est plus marqué chez de Gaulle que chez Fillon. On peut estimer que c'est normal dans la mesure où de Gaulle était chef de l’État, alors que Fillon n'en que le candidat au poste, mais peut-être cette moindre fréquence indique-t-elle, chez Fillon, une moins grande détermination ?
Comment cela va-t-il évoluer ? Comment cela va-t-il se terminer ? Peut-être Marx nous en offre-t-il un début de réponse lorsqu'il dit que "L’histoire se répète toujours deux fois : la première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une comédie". L'histoire de Fillon s'achèvera-t-elle en comédie ? Ou en autre chose ?
Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, rectifications et critiques.
Philippe Arnaud
AMD Tours
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