Thomas Guénolé : « La ligne ANTISOCIALE gouverne le pays »
Politologue (titulaire d’un doctorat du Centre de recherches politiques de Sciences Po) et enseignant à l’université de Bretagne occidentale (UBO), Thomas Guénolé fait partie de cette nouvelle génération d’intellectuels de gauche qui accepte de mener la bataille des idées directement dans les médias dominants pour faire contrepoids au discours néolibéral. En 2017, il a rejoint la France insoumise dont il codirige l’école de formation. Dans son dernier livre, « Antisocial : La guerre sociale est déclarée » (Plon, 2018), il déconstruit les “fake news” de la propagande antisociale pour combattre les fausses évidences, lutter contre la résignation et amener chacun à se mobiliser.
Le Comptoir: Les différentes mesures de démantèlement de l’État social sont régulièrement présentées sous l’angle de la modernisation de l’économie et de l’adaptation du modèle français au monde globalisé d’aujourd’hui. Vous rappelez pourtant dans votre livre que la retraite à 65 ans correspond à la situation qui prévalait en 1910 et que l’uberisation renvoie aux ouvriers de la fin du XIXe siècle payés à la tâche. Comment expliquer ce paradoxe ?
Thomas Guénolé : C’est la technique de la diabolisation. On n’argumente pas sur le fond : on se contente d’accoler à la cible des épithètes négatives, on s’accole à soi les épithètes positives antonymes, et l’on répète le tout en boucle. En l’occurrence, cela consiste à répéter que les protections sociales, les droits sociaux, les services publics, sont “archaïques”, “rigides”, ou encore qu’ils “nuisent à la compétitivité” ; tandis que les mesures qui cassent ces protections, ces droits et ces services publics, elles, symétriquement, sont réputées “modernes”, “flexibles” et “compétitives”. Cela permet de pratiquer en permanence le stratagème rhétorique du choix caricatural : soit vous êtes pour le projet politique de l’Antisocial ; soit vous êtes contre la modernité et la flexibilité, ce qui fait de vous un archaïque rigide. Sur le fond, cette argumentation est un tissu de mensonges.
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