UNION EUROPÉENNE, EUROPE SOCIALE, EURO, BREXIT …Un entretien avec Frédéric FARAH économiste, enseignant à l’Université Panthéon-Sorbonne

Frédéric Farah : « L’histoire de l’Union européenne est celle d’une impuissance qui a conduit à un ‘fake state’ »

Frédéric Farah est économiste, enseignant à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) et chercheur affilié au centre PHARE. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Introduction inquiète à la Macron-Économie (avec Thomas Porcher, Éd. Les Petits Matin, 2019) Europe, la grande liquidation démocratique (Éd. Bréal, 2017). Il publiera bientôt Comprendre l’euro, aux éditions Bréal. Voix de l’Hexagone l’a rencontré pour évoquer la monnaie unique, la dette et les politiques économiques.

Propos recueillis par Ella Micheletti.
ENTRETIEN RÉALISÉ AVANT LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

Voix de l’Hexagone : À la veille des élections européennes, on entend à nouveau le refrain de « l’Europe sociale » qu’il faudrait désormais bâtir. Pour vous, une telle Europe peut-elle exister ?
Frédéric Farah : Je crois que dans le cadre européen tel qu’il est, elle ne peut pas exister. Tout d’abord, qu’entend-t-on par « Europe sociale » ? Soit le social se traduit à travers des politiques économiques qui ont pour objectif de limiter la logique de marchandisation ou de concurrence, soit le social est abordé à la manière allemande en étant rendu autant que faire se peut compatible avec le marché. Comme personne, en Europe, ne s’entend sur la définition du social, le malentendu existe dès le départ. Le social à la française reposait sur un système d’économie mixte, comme en Italie à une certaine époque. À côté du secteur privé existait une économie publique et un État social qui avait pour vocation de démarchandiser la société (par exemple le SMIC dont le seuil est déterminé par des institutions, non par des forces de marché). La question est donc de savoir ce que les Européens mettent derrière le social : des droits à accorder à des travailleurs ou une Europe sociale ambitieuse comme un projet ayant vocation à la réduction des inégalités.
Deuxième chose : à partir du moment où l’on inscrit comme liberté fondamentale de l’Union européenne la libre circulation des capitaux et que la protection sociale reste rivée à un territoire, le capital courra toujours plus vite que le travail ou le social ! Les États se retrouvent dans une course à l’attractivité parce que le capital se déplace librement. Dans ce cadre-là, l’Europe sociale n’est pas possible. De plus, l’euro tel qu’il est structuré rend inenvisageable le social. À partir du moment où on construit une monnaie unique, il n’y a plus d’ajustement par le taux de change mais seulement par le travail.
L’Union européenne a tout fait pour rendre le Brexit compliqué avec de surcroît une attitude punitive qui contredit complètement l’idée d’une Europe porteuse de paix et d’amour des peuples
Enfin, dernière chose, le social ce ne doit pas être simplement des mots. C’est une communauté de redistribution si on accepte l’idée du social comme correction des inégalités. Or le budget européen, dans les traités, ne peut pas être en déficit mais toujours à l’équilibre […]
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