BOLIVIE : La longue campagne du « Tout sauf Evo » - Par Maurice Lemoine
Un article de Maurice Lemoine, journaliste
Président aymara, paysan et syndicaliste, symbole d’une Bolivie nouvelle, appuyé depuis janvier 2006 sur une base « indigène et plébéienne » (pour reprendre les termes de son vice-président Álvaro García Linera), Evo Morales se représentait le 20 octobre pour un troisième mandat consécutif. Pour être élu au premier tour, tout candidat devait obtenir au moins 50 % des suffrages ou recueillir 40 % des voix avec une avance de 10 points sur le deuxième (article 167 de la Constitution), un second tour étant prévu le 15 décembre en cas de nécessité.
Dans une Amérique latine bousculée par une série de crises politiques et économiques parfois aiguës, le pays, de l’avis des observateurs de tous bords, se porte exceptionnellement bien. La nationalisation des ressources stratégiques et la redistribution des recettes de l’Etat ont permis une stabilité politique inédite (si l’on excepte quelques épisodes de tensions et de contestations) grâce à la mise en place de programmes d’accès au travail, à l’éducation et à la santé. Dans un contexte de croissance soutenue, le PIB a bondi de 9 milliards de dollars à plus de 40 milliards, les réserves de change se maintiennent à la hausse, l’inflation est maintenue sous contrôle, le salaire réel a augmenté et, de 59,9 % en 2005, le taux de pauvreté était descendu à 36,4 % fin 2017 (l’extrême pauvreté passant de 38 % à 15 %, soit une baisse de 23 points). On évitera le mot « miracle », beaucoup restant à faire, mais l’appréciation positive de tels résultats dans le pays considéré depuis des lustres comme « le plus pauvre d’Amérique latine » n’a rien d’une vue de l’esprit.
Malgré un tel bilan, cette dernière élection se présente sous un jour moins favorable que les précédentes, remportées haut la main par Morales au premier tour, avec une confortable majorité. Après treize années de pouvoir, la très classique « usure » a fait son apparition. Des pans de population sortis de la pauvreté ne s’identifient plus au Mouvement vers le socialisme (MAS) qui leur a permis une telle ascension ; pour des raisons inverses, tout en bas de l’échelle, ceux qui ont le moins progressé expriment leur déception ; d’une façon plus générale, à l’élan initial d’une « refondation plurinationale » mettant le pays cul par dessus tête se sont substitués des progrès désormais plus lents et, avec leurs inévitables scories, de moins enthousiasmantes « bureaucraties », « gouvernance » et « normalité ».
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