Pourquoi les RETRAITES AGRICOLES sont-elles si basses ?

Par Émilie MASSEMIN
Pourquoi les retraites agricoles sont-elles si basses ? « À la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand le Conseil national de la résistance a mis en place le régime de protection sociale, l’unique syndicat agricole de l’époque n’a pas souhaité l’intégrer car il ne voulait pas payer de cotisations », explique Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne. « Le monde agricole disposait alors d’un tissu développé de mutuelles. Elles étaient aux mains d’une bourgeoisie rurale de gros propriétaires et de notables qui voyaient d’un mauvais œil l’arrivée d’un régime social unifié et rejetaient l’influence du communisme », complète André Tissot, agriculteur retraité et membre de la commission des anciens de la Confédération paysanne. Depuis, le régime agricole est resté moins protecteur : « Le taux de cotisation est de 21 % alors qu’il est de 27 % pour les salariés ; les agriculteurs cotisent sur des revenus nets au lieu de revenus bruts ; les retraites sont calculées sur les quarante dernières années des exploitants et non sur les vingt-cinq meilleures... Mécaniquement, les prestations reçues sont moindres. » Certains statuts, comme celui d’aide familial agricole ou de conjoint collaborateur, sont caractérisés par des niveaux de cotisation – et donc de retraites – moindres.
Si les pensions sont basses, c’est que les revenus agricoles le sont aussi. D’après un rapport de l’Insee de novembre 2019, le revenu agricole moyen s’établissait à 1 390 euros mensuels en 2017. Cette année-là, un agriculteur sur cinq n’avait dégagé aucun revenu. « Après la guerre, l’objectif de la France était que l’alimentation pèse de moins en moins dans le budget des ménages, pour qu’ils puissent accéder à d’autres biens de consommation. Les prix alimentaires, comprimés en permanence, n’ont plus reflété les coûts de production », rappelle Véronique Marchesseau. « Si la viande et le lait étaient achetés à un prix acceptable, peut-être pourrait-on cotiser, abonde Dominique Pipet. On peine à payer nos charges, on dépose notre lait et notre viande à la coopérative pour rien et elle se fait une marge incroyable. »