Henri Peña-Ruiz : « Lettre ouverte à mon ami Régis Debray »
Par Henri Peña-Ruiz
Dans sa nouvelle chronique, le philosophe Henri Peña-Ruiz répond au Tract de Régis Debray "France laïque. Sur quelques questions d'actualité". Un texte dans lequel ce dernier interroge le rapport de la France à la laïcité, "à l’occasion de récentes et écœurantes atrocités".
« Amicus Plato, sed magis amica veritas »
« Je suis ami de Platon, mais plus encore de la vérité »
Cher Régis,
La lecture de ton "tract" intitulé "France Laïque" (Gallimard) me laisse perplexe et triste. Permets-moi d'abord un commentaire sur le titre. France laïque? Soit. Mais la laïcité n'est-elle que française ? Je ne peux imaginer que tu l'assignes ainsi à résidence. D'ailleurs la France n'est pas laïque à cent pour cent. Le concordat d'Alsace-Moselle met à la charge de tous les contribuables du pays les salaires des prêtres, des rabbins et des pasteurs des trois départements restés concordataires. C'est anachronique et cela déroge à l'indivisibilité de la République. Quant à la loi Debré de 1959, elle détourne des milliards vers des écoles privées pour l'essentiel catholiques.
Cela ne te dérange pas ? Moi si. Surtout quand les services publics, d'intérêt général, sont en déshérence faute de moyens. Ces deux exemples montrent que l'Eglise, en principe dévolue au spirituel, ne renonce pas aux privilèges temporels. L'argent public a une origine universelle : l'impôt commun. Sa seule destination légitime doit donc être également universelle. Vouloir supprimer les privilèges, comme ce fut fait le 4 août 1789, dont entre autres l'impôt ecclésiastique (la dîme), ce n'est pas de l'athéisme militant, mais un simple voeu d'égalité républicaine.
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