FRONTIÈRES – Le Billet d'humeur du Docteur Christophe Prudhomme
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Les virus et plus globalement les malades infectieuses ne connaissent pas les frontières administratives. Notre organisation sociale au cours de ces derniers siècles a créé des pays avec des frontières qui délimitent des populations plus ou moins homogènes. Comme nous le voyons régulièrement avec les revendications régionalistes, cette organisation ne correspond pas toujours aux histoires des communautés et il existe souvent de différences inter-régionales au sein d’un même pays plus importantes qu’au sein de zones géographiques qui s’étendent entre deux pays, au-delà des frontières. Cette notion de zone de vie et de région est essentielle pour comprendre la progression des épidémies. En effet, l’agent infectieux se diffuse au sein d’une zone où les personnes vivent ensemble. Ensuite, la propagation s’effectue par le biais des déplacements quels qu’en soient les moyens.
Notre pays n’est pas immense mais nous avons constaté depuis l’émergence du coronavirus de fortes différences régionales d’incidence et d’évolution de l’épidémie. Cela nous montre que la frontière n’est pas toujours sur le Rhin, mais qu’elle peut-être aux marches de la Bretagne. Ces éléments devraient être pris en compte pour adapter les mesures de limitation de la circulation du virus. Ne faut-il pas se poser la question d’isoler certaines zones, villes ou régions en limitant les déplacements hors de leurs « frontières » pendant une période déterminée ? Il est légitime d’envisager toutes les hypothèses et d’en discuter, plutôt que d’imposer des horaires de couvre-feu de plus en plus avancés dont l’efficacité n’est pas prouvée. Par ailleurs, il semble plus facile d’imposer des contraintes limitées dans le temps et dans l’espace à des populations plus réduites. Par ailleurs, la réalité locale est connue par les habitants, ce qui facilite l’acceptation et donc l’efficacité des mesures de santé publique.
Si la réalité de la « frontière » est évidente pour les déplacements en avion d’un continent à l’autre, la réalité est tout autre en Europe dans un zone géographique avec une densité de population très élevée. Le simple rappel de l’existence de plusieurs centaines de milliers de travailleurs frontaliers peut nous en faire prendre conscience. Alors ce n’est pas la fermeture des frontières nationales, agitée par des politiques intéressés par tout autre chose que la recherche de la meilleure efficacité en termes de santé publique, qui représente « la solution ». Nous avons besoin d’un autre type de débat pour retrouver la confiance indispensable pour pouvoir trouver les meilleures solutions collectives qui doivent être multiples et coordonnées si nous voulons nous débarrasser de cette épidémie.
Docteur Christophe Prudhomme
Praticien hospitalier – SAMU 93
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