MARCHÉ – Le Billet d’humeur du Docteur Christophe Prudhomme
De plus en plus de voix s’élèvent pour pointer le fait que, face à la crise, le marché ne peut être la solution. La situation française et plus largement européenne et mondiale en est la triste illustration.
En ce qui concerne la France, nous ne pouvons que constater la dérive de notre industrie pharmaceutique ces dernières années qui s’appuyait sur plusieurs entreprises performantes comme Rhône-Poulenc, Roussel-Uclaf, Synthélabo qui, au fil des restructurations, ont été absorbées pour créer le groupe Sanofi. La logique de fusion pour atteindre soi-disant une taille mondiale s’avère être en fait contre-productive. Elle se traduit par des regroupements dont l’objectif est de réduire les effectifs et de supprimer des sites pour « faire des économies d’échelle », mais en fait pour maximiser les marges et donc les rémunérations des actionnaires. L’autre axe mis en œuvre est de se débarrasser de ses outils de recherche en interne pour sous-traiter cette activité auprès de start-ups et utiliser les laboratoires publics offerts sur un plateau par la loi de réforme des universités qui les adossent à des fondations récoltant des « dons » de l’industrie. Dons qui sont bien évidemment défiscalisés. Voilà en quelques mots l’explication des réductions massives d’emplois effectués par Sanofi ces dernières années dans ses unités de recherche et qui se poursuivent encore aujourd‘hui avec l’annonce d’un nouveau plan de suppression de 400 postes. Le résultat de cette politique est catastrophique : non seulement la France n’est plus dans le peloton de tête des pays innovants dans ce domaine mais de plus Sanofi est en échec sur la mise au point d’un vaccin. Mais tout va bien pour les actionnaires avec le versement de dividendes dépassant bon an mal an plus de 10 % du chiffre d’affaires.
Pour ce qui est de l’Europe et plus globalement de la planète, nous constatons actuellement que les pays riches s’accaparent les vaccins et nous apprenons même qu’Astra-Zeneca facture son produit plus cher aux pays pauvres. Par ailleurs, nos dirigeants politiques refusent d’appliquer les mesures prévues pourtant par les différentes législations sur le commerce et la propriété intellectuelle pour que les vaccins ne soient plus couverts par des brevets mais deviennent libres de droit pour pouvoir être produits partout dans le monde au meilleur coût.
Cette crise nous met cruellement en lumière le fait que le marché et donc la logique capitaliste ne nous permet pas de répondre aux urgences de la crise liée au coronavirus. Voilà pourquoi des changements rapides sont indispensables.
Docteur Christophe Prudhomme
Praticien hospitalier – SAMU 93
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