Le monde des LABORIEUX [texte inédit pour le site de Ballast]
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Par la voix d’une grotesque énarque et ancienne cadre supérieure, le ministère de l’Industrie a loué, il y a peu, « la magie de l’atelier où l’on ne distingue pas le cadre de l’ouvrier ». Le sang d’Éric Louis n’a fait qu’un tour. C’est que cet ancien cordiste de la Somme, « ouvrier, fils d’ouvrier, petit-fils d’ouvriers », sait de quoi il en retourne vraiment. « Ça fait un an que je bosse en continu. Un an d’usine. Neuf mois de tôlerie dans la ferraille huileuse de radiateurs électriques. Trois mois dans l’alu des échafaudages. » Fort de son expérience, il répond dans nos colonnes à la ministre déléguée.
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« J’aime l’industrie parce que c’est l’un des rares endroits au XXIe siècle où l’on trouve encore de la magie. La magie de l’atelier où l’on ne distingue pas le cadre de l’ouvrier, où l’on ne distingue pas l’apprenti de celui qui a trente ans d’expérience, où l’on ne distingue pas celui qui est né en France il y a quarante ans et celui qui est arrivé par l’accident d’une vie il y a quelques jours. »
Ces propos ne sont pas de moi, rassurez-vous. Ils ont été tenus, osés, devrais-je dire, le 7 octobre dernier par la ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher.
À la mi-2021, dans Mes trente (peu) glorieuses, comme une réponse prémonitoire et anticipée à ce trait de génie, évoquant mon boulot du moment, j’écrivais ceci : « On n’est pas dans une start-up branchouille ici. Les ouvriers portent des blouses bleues. Sur celles des embauchés, le logo de l’entreprise. Sur celle des intérimaires, que dalle. Les chefs portent des blouses vertes, c’est pratique, on les voit arriver de loin. Les femmes cheffes arborent quant à elles des blouses d’un orange pimpant. Le directeur est le seul à porter une cravate. Un directeur à l’ancienne. Je pourrais me croire transporté 35 ans en arrière, à ce léger détail près : tout le monde, sans exception, du matin au soir, porte un masque. Et puis les cadres et les personnels administratifs se contorsionnent en une gymnastique étrange autant que ridicule : actionner les poignées de porte avec les avant-bras. Aucun doute, on est en 2021. »
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