Élections américaines : le spectre de « l'America first », la grande peur du monde des affaires en France- par Jean LÉVY
Mardi 8 novembre, aux États-Unis, les électeurs sont appelés à voter pour partiellement renouveler le Sénat et la Chambre des Représentants. Dans un article précédent, nous avons éclairé nos lecteurs sur le mécanisme de cette consultation à mi-mandat du Président.
Que ces élections passionnent les électeurs étatsuniens, rien de plus normal, puisque les Assemblées peuvent changer de majorité, au détriment de parti du Président démocrate, Joe Biden.
Mais cette fièvre s'étend aux milieux d'affaires français et à leurs dociles médias.
Pourquoi ?
"Le Monde" n'est pas le moins enragé.
Dans son édition datée du 27 octobre, Gilles Paris titre sa chronique géopolitique : "Le spectre de l'America first", c'est-à-dire le repli des Etats-Unis sur leur territoire, délaissant leur rôle de gendarme du monde.
Il vrai que les USA traverse une crise profonde, une opinion publique qui s'affronte, bloc contre bloc, une "véritable guerre civile froide", disent certains commentateurs, sur fond de crise sociale, avec une inflation record, premier sujet de préoccupation de la population.
Le Parti républicain propose donc un changement de cap, tourné vers les problèmes intérieurs.
Alors que l'administration démocrate, au contraire, tente d'exporter ses problèmes à l'étranger, en Europe, en menant une guerre par procuration en Ukraine. D'où l'accusation de leurs adversaires républicains envers un Joe Biden, dépendant du Pentagone et de ses clients, les firmes d’armement, influençant la politique du Président.
Mais revenons aux supporters français de la politique du président US - le monde des affaires et de sa Macronie, - et à leur grande peur qu'ils ont d'un changement de stratégie à Washington.
Gilles Paris et "Le Monde" énumèrent les modifications que défendrait une majorité républicaine dans les deux Chambres, et évoque ce que serait aujourd’hui la politique suivie par Donald Trump.
"Qu'adviendrait-il si Donald Trump occupait le bureau Ovale de la Maison Blanche ? En 2019, il avait été mis en accusation par la Chambre des représentants pour abus de pouvoir après avoir bloqué temporairement une aide militaire destinée à Kiev. (A noter l'aveu de l'envoi de matériel militaire US à Ukraine, trois ans AVANT l'intervention russe...).
Et Gilles Paris de poursuivre ;
"Que serait - il advenu de l'OTAN s'il avait été réélu en 2020 (...) John Bolton (son ancien conseiller à la sécurité) a assuré dans ses mémoires que ce dernier (Donald Trump) aurait profité d'un second mandat pour en retirer les Etats-Unis ». (...)
"Il a suffi d'une phrase prononcée par le possible futur speaker (Président) de la Chambre des Représentants, Kevin McCarthy, pour que le spectre de l'America First, le slogan de Donald Trump, vienne flotter sur le conflit ukrainien. Je pense que les gens vont se retrouver dans une récession, et qu'ils ne vont pas faire un chèque en blanc à l'Ukraine".
Après avoir fait énumérer les forces hostiles à la politique suivie par Joe Biden, - politique que Gilles Paris fait sienne - le journaliste conclut :
"Cette opposition rassemble les voix qui considèrent que les Etats-Unis ont trop longtemps supporté une part disproportionnée du fardeau occidental aux dépens de leurs propres intérêts. Et celles qui font de la compétition entre grandes puissances américaine et chinoises la priorité absolue de Washington pour les décennies à venir.
Dans les deux cas, la conséquence serait la même pour la guerre en Ukraine : un retrait ou un abandon américain qui obligerait les Européens à prendre en mains la gestion d'un conflit désormais considéré à Washington comme secondaire ou périphérique".
On mesure ainsi les raisons de l'angoisse qui saisit les supplétifs médiatiques, porte-paroles des financiers, : si les Républicains trumpistes obtiennent la majorité au Congrès américain aux élections du "Midterm", les Etats-Unis se dégageraient d'Ukraine et, conclut Gilles Paris, les puissances européennes, dont la France, devraient prendre la relève dans la guerre menée contre la Russie...
Jolie perspective à soumettre aux Français.
JEAN LÉVY