RETRAITES ET GILETS JAUNES, CES MOUVEMENTS POPULAIRES INÉDITS [un entretien avec Perrine POUPIN, sociologue]
La sociologue Perrine Poupin, chargée de recherche au CNRS, a donné une conférence à Amiens. Elle analyse le phénomène qu’elle compare avec les luttes actuelles. Née d’un père marin et d’une mère enseignante, elle suit et participe aux diverses manifestations populaires.
Liberté Hebdo. : Auprès de certains, les Gilets jaunes ont eu une mauvaise réputation ; ils sont accusés de populisme, voire d’être noyautés par l’extrême droite. Comment expliquez-vous vous ça ?
Perrine Poupin : C’est un mouvement qui a surpris car, contrairement aux mouvements syndicaux précédents, qui étaient en négociation avec le gouvernement (en termes de temps, de parcours pour les manifestations, etc.), les Gilets jaunes, eux, étaient en quelque sorte des chiens un peu fous qui arrivaient dans un jeu de quilles. Ils ont, par exemple, manifesté dans les beaux quartiers de Paris, là où les militants syndicaux, libertaires, ou même les plus radicaux, n’allaient jamais. Face à cette surprise, certains ont refermé la porte en disant qu’ils étaient populistes, voire d’extrême droite. Ce qui manque à cette grille d’analyse, c’est d’aller voir sur place. Lorsqu’on passe du temps dans les manifestations, on voit très bien la couleur politique, et, surtout, la diversité politique. Les militants syndicaux ont leurs habitudes ; quand arrive un nouvel acteur qui bouscule, il y a deux attitudes : critiquer pour que les choses ne changent pas, ou voir ce qu’il propose. Lors des manifestations contre la réforme des retraites, de nombreuses actions sont issues de celles utilisées par les Gilets jaunes : blocages, etc. On peut dire qu’il y a une sorte de « giletjaunisation » du mouvement syndical mais aussi dans l’intensité. Les gens sont passés de la manifestation classique qui a toujours cours à des actions plus originales parfois plus dures. Cela provient aussi de l’attitude du gouvernement. À mesure des années, les mouvements se construisent, s’observent. Il n’y a pas eu d’acceptation des Gilets jaunes, mais, au final, ils sont rentrés dans les mœurs.
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