RETOUR sur « La défaite de l'Occident » d'Emmanuel Todd
L’ouvrage d’Emmanuel Todd constitue certainement une œuvre phare de ce qui reste de la pensée critique en France. Il pose beaucoup de questions pertinentes auxquelles il apporte des réponses pertinentes. Il appelle au débat et à porter un regard critique sur certaines de ses thèses, mais pas pour aller dans le sens de la pensée unique et du conformisme néolibéral et néoconservateur dominant. Les réflexions et les thèses de l’auteur doivent nous permettre en effet d’affiner les positions critiques et de nourrir une discussion salutaire sur les sources de ce que fut « l’Occident » et des causes profondes de sa crise et de sa déchéance actuelle. Celles-ci étant incontestablement multiples, ce qui devrait permettre de saisir les contradictions sociales fondamentales nécessitant une analyse concrète de la réalité concrète.
La Rédaction du blog « La pensée libre »
------
Retour sur « La défaite de l’Occident »
d’Emmanuel Todd
Mars 2024
Par Pierre Lenormand, géographe, retraité, militant de l’Association nationale des Communistes (ANC)
- En brisant un certain nombre de tabous et d’idées convenues, Emmanuel Todd s’est attiré beaucoup d’ennemis : déjà, son hostilité à l’UE et à l’euro allait à l’encontre de la doxa officielle ; son refus de considérer Poutine comme un tyran et/ou un fou, va à l’encontre de la russophobie ambiante : son rejet de la fable des ‘démocraties’ venant au secours d’une jeune démocratie libérale agressée va à l’encontre de la propagande de guerre occidentale. Guerre qu’il décrit comme celle d’ ‘oligarchies libérales’ contre la ‘démocratie autoritaire’ russe. En cela, comme d’autres contributions l’ont souligné, la lecture de cet ouvrage est donc salutaire…
- On y trouvera aussi quelques poncifs comme ‘la chute’ du communisme’ ou ‘la fin des idéologies’ qu’il semble curieusement reprendre à son compte, comme la référence au scepticisme de Raymond Aron sur le sens de l’histoire, en exergue de l’ouvrage. Son appel à l’empirisme et au pragmatisme peut agacer. Mais Todd a fait aussi la preuve qu’il était capable de revenir sur certaines de ses annonces, comme par exemple son imprudent pari sur le ‘hollandisme révolutionnaire’.
- Il nous faut donc essayer, de notre point de vue, d’y voir un peu plus clair, ce qui n’est pas facile face à un ouvrage aussi foisonnant.
____
De sa brève jeunesse communiste Todd a gardé quelques réflexes utiles, mais il a pris ses distances avec le marxisme. Pour lui, le moteur de l’histoire ne serait pas, ou plus, la lutte de classes. Ainsi conclut-il l’introduction de son livre : ‘Une vérité simple apparaîtra : la crise occidentale est le moteur de l’histoire (celle) que nous vivons », précise-t-il (page 36). Mais en même temps les transformations de la structure de classe des sociétés contemporaines y trouvent leur place : il y a d’ailleurs aussi consacré un ouvrage (les luttes de classe en France au XXIème siècle (Seuil, 2020).
POURSUIVRE LA LECTURE :