UN ENTRETIEN AVEC SOPHIE BINET secrétaire générale de la CGT [2/2]
Sophie Binet : « L’unité syndicale précède l’unité politique » [2/2]
Entretien inédit – Ballast
La criminalisation de toutes les formes de contestation a, ces dernières années, atteint une intensité rare. Il y a quelques jours, le secrétaire général de l’Union départementale de la CGT du Nord était condamné à une peine d’un an de prison avec sursis pour un tract en soutien à la Palestine — soutien qui a valu à des responsables de LFI une convocation lunaire pour « apologie du terrorisme ». Un an plus tôt, une répression sans précédent s’abattait sur les militants mobilisés contre les mégabassines à Sainte-Soline, parmi lesquels des représentants syndicaux. Face à cette offensive répressive, quelles modalités d’action et de lutte sont encore possibles ? Dans ce second volet de notre entretien, Sophie Binet nous livre ses réflexions sur l’histoire du syndicalisme, notamment révolutionnaire, sur ses victoires et ses échecs, afin de penser les stratégies des combats en cours et à venir.
Quelle est votre position concernant la logique de la « double besogne » exposée dans la charte d’Amiens ? Certes, le contexte était différent, puisque la CGT était à l’époque révolutionnaire et ne négociait pas du tout avec le gouvernement. Mais est-il pertinent aujourd’hui, de maintenir une séparation étanche entre syndicalisme et politique ?
L’intéressant avec la charte d’Amiens est que tout le monde s’en revendique et, in fine, nous pouvons lui faire dire beaucoup de choses. À l’origine, c’est un texte de compromis entre la tendance guesdiste, du nom de Jules Guesde, qui était plus politique et voyait le syndicalisme comme une courroie de transmission des partis, et de l’autre celle des anarcho-syndicalistes. La Charte affirme à la fois l’indépendance de l’organisation syndicale vis-à-vis des partis politiques et l’impératif de transformation de la société. La CGT s’en revendique parce qu’elle est indépendante et pratique un syndicalisme de la double besogne. L’indépendance, par contre, ne signifie pas que nous nous interdisions de nous positionner sur les débats politiques. Ça veut dire que nous nous positionnons sur tous les débats à partir du prisme du travail, de notre position de travailleuse ou de travailleur.
POURSUIVRE LA LECTURE :