Mort de Jean-Claude LEFORT ancien député communiste et militant de la justice humaine
L’ancien député PCF du Val-de-Marne, un temps secrétaire de Georges Marchais, engagé dans la solidarité avec le peuple palestinien, est décédé à l’âge de 79 ans.
Jean-Claude Lefort a succombé le 19 juin des suites d’un cancer contre lequel il a mené son dernier combat. Il était un militant communiste, de ceux qui se sont formés dans les rangs des jeunesses communistes des cités populaires de la banlieue rouge. Né le 15 décembre 1944 à Paris, il passe d’abord son enfance et sa jeunesse à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), dans un milieu modeste. Son père, ouvrier, s‘était engagé aux côtés des républicains espagnols dans les Brigades internationales et sa mère est gardienne dans une école.
Celui qui aime déjà se dire « manouche » grandit dans ces zones périphériques de la capitale et fait ses armes militantes dans les combats pacifistes et internationalistes de ces années 1960-1970. Il devient dirigeant du MJCF. Ils sont trois copains et camarades, liés par le souvenir du combat de l’Espagne républicaine, qui ne se quittent jamais pour faire les quatre cents coups politiques : Jean-Claude Lefort à Bagnolet, François Asensi à Aubervilliers, et José Fort à Montreuil.
José Fort a réagi à l’annonce de sa mort pour saluer « notre histoire commune et notre amitié » au-delà de « nos divergences, nos colères, nos engueulades ». « Nous avons tous les trois vécus des moments intenses à la direction du Mouvement de la Jeunesse communiste : les bouleversements de 1968, la guerre américaine au Vietnam… »
Après « ces équipées », Jean-Claude rejoint, lui, le collectif travaillant en direct aux côtés de Georges Marchais, le tout nouveau secrétaire général du PCF. En 1983, il devient secrétaire de la puissante fédération du Val-de-Marne. Le dirigeant communiste est ensuite élu député de la 10e circonscription du département durant trois mandats.
Membre de la commission des Affaires étrangères, il participe à de nombreuses négociations internationales et s’engage aux côtés de nombreux peuples et contre les injustices. En mémoire de la lutte contre la bête immonde en Espagne, il sera coprésident fondateur de l’Association des amis des combattants en Espagne républicaine (Acer), avec José et François – le député, grâce à ses prérogatives au sein de la commission des Affaires étrangères, récupère une partie des archives des Brigades internationales déposées à Moscou.
Mais une terrible tragédie touchant un peuple le fait se lever une nouvelle fois. 1994, le génocide au Rwanda. L’élu milite pour que la vérité soit établie et propose, en 1998, la création d’une commission d’enquête sur la part des responsabilités françaises. Vice-président de ce qui sera, finalement, une mission d’information parlementaire sur le Rwanda, il se trouve en désaccord avec les conclusions du rapport et refuse d’en être coauteur. Il finit son troisième mandat de député en 2002 mais le militant poursuit ses combats pour la justice.
Toujours sensible à ses frères et sœurs, humains du monde, il s’investit activement en faveur des droits du peuple palestinien. En mai 2009, il est élu président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), à l’issue du deuxième congrès de ce mouvement. Il est également le coordinateur du comité national de soutien à Salah Hamouri, emprisonné dans les geôles israéliennes depuis 2005, dont il deviendra le beau-père après que sa fille, Elsa, épouse en 2014 le Franco-Palestinien, libéré en 2011 à la suite d’une intense campagne internationale. Salah Hamouri sera à nouveau détenu à trois reprises, avant d’être expulsé en 2022. Décoré des insignes de chevalier de la Légion d’honneur par Cécile Rol-Tanguy, en présence de l’ambassadeur palestinien en France, Jean-Claude Lefort ne cesse de multiplier les démarches pour faire respecter les droits de son gendre et poursuit sa lutte aux côtés des Palestiniens pour la reconnaissance de leur souveraineté.
Toujours prêt à dénoncer les injustices, il appelle en 2013 à la démission le ministre de l’Intérieur Manuel Valls pour sa politique à l’égard des Roms. Il rappelle au ministre socialiste sa propre émigration depuis l’Espagne, pour fuir le régime franquiste, et la compare avec celle des Roms, qui subissent une discrimination sociale dans leurs pays d’origine. Il signe « Jean-Claude Lefort, fils de Manouche ». En janvier 2024, en raison d’un différend qu’il explique dans un texte publié sur Mediapart (lire ci-dessous), il quitte « avec une douleur extrême » le PCF, après soixante années d’appartenance.
Jean-Claude Lefort le 19 janvier 2024 : Je quitte le Parti communiste français
Il y a 60 ans, j’ai adhéré au Parti communiste français. C’est donc avec une douleur extrême que je me vois aujourd’hui n’avoir d’autre choix que de le quitter. Non en raison de désaccords sur tel ou tel aspect, mais au vu et au su du comportement humain et politique totalement inacceptable à mon endroit de son secrétaire national, Fabien Roussel.
Je quitte le parti communiste français
Il y a 60 ans, j’ai adhéré au Parti communiste français. C’est donc avec une douleur extrême que je me vois aujourd’hui n’avoir d’autre choix que de le quitter. Non en raison de désaccords sur tel ou tel aspect, mais au vu et au su du comportement humain et politique totalement inacceptable à mon endroit de son secrétaire national, Fabien Roussel.
Comme on le sait peut-être, mon gendre s’appelle Salah Hamouri. Franco-palestinien, il a subi, outre une multitude d’humiliations perverses, pas moins de 10 ans de prison dans les geôles israéliennes. Finalement Israël l’a expulsé le 18 décembre 2022.
Cette expulsion a été savamment préparée.
Début 2022, j’apprends fortuitement que dans un Mémoire du ministère de l’Intérieur déposé au Conseil d’Etat figure curieusement la photo de Salah Hamouri. Il est écrit, de la main du ministère, cette phrase : « Membre du FPLP ». Cette organisation est considérée comme « terroriste » non seulement en Israël mais au sein de l’Union européenne.
Salah Hamouri n’a jamais vécu en France mais toujours à Jérusalem où il est né. Comment est-ce possible que nos services puissent l’accuser de la sorte ? Impossible. Jamais il n’a été prouvé pareille appartenance de Salah Hamouri par Israël tandis que ce dernier a toujours démenti avec force cette accusation pourtant portée par un tribunal militaire israélien, sans apporter le début d’une preuve.
La chose est donc claire : le ministère français reprend donc l’accusation israélienne, une « force occupante » selon l’ONU. C’est juste incroyable.
Cette situation qui est tellement choquante et totalement inadmissible doit cesser. La vérité doit être rétablie. J’écris donc aussitôt dans cet esprit à l’Elysée, au Quai d’Orsay et au ministère de l’Intérieur en protestant vigoureusement et en exigeant le rétablissement de la vérité. Le temps passe et aucune réponse.
Devant ce blocage durable, je m’adresse à Fabien Roussel qui dit bien connaître Gérald Darmanin – ce qui ne me choque pas – et qui explique à la télé qu’il est du genre de député qui ne lâche pas une affaire jusqu’à attraper les ministres par le bras quand il les croise dans les couloirs de l’Assemblée.
Il me répond le 27 juin 2022 qu’il est lui aussi choqué par cette situation et qu’il va intervenir auprès du ministre Darmanin pour lui demander un rendez-vous avec moi.
Et puis plus rien. Rien de rien. Je multiplie les messages vers Fabien pour insister sur la réalisation de son idée. Rien ne s’ensuit.
Et puis brutalement, en avril 2023, je reçois un mail de Fabien Roussel qui m’accuse de multiplier les mails vers lui car j’aurais « de vieux comptes à régler avec la direction du parti » !
Je me frotte les yeux. Je lui parle de Salah et il me sort une histoire dont je ne comprends strictement rien.
Je ne connais pas personnellement Fabien Roussel. Jamais je ne l’ai croisé ou rencontré. Nous ne sommes pas de la même génération. Il a 25 ans de moins que moi et ne connaît absolument rien de mon passé et de mes différentes responsabilités. Il n’en n’a jamais été témoin.
Il n’est qu’une possibilité : quelqu’un lui a mis cela en tête ! Je récuse naturellement cette accusation absurde et dénuée de tout fondement et lui demande de le rencontrer afin d’éclaircir tout cela.
Il ne donne pas suite et donc, jusqu’à preuve du contraire, il maintient contre moi une accusation sordide qu’on lui a soufflée et il ne cherche pas à savoir. Alors que sur les plateaux télés il accorde volontiers, et à juste titre, la « présomption d’innocence » voilà qu’il la récuse à un vieux camarade du parti !
Reste que le cas de Salah Hamouri s’efface sous sa plume. C’est pourtant l’unique objet de ma démarche vers lui.
Nous en sommes là et mes derniers SMS envoyés, il y peu, sont restés sans réponse. Le cas de Salah Hamouri n’est pas dénoué.
Et c’est là qu’on comprend avec quelle minutie son expulsion a été préparée par Israël.
Car Salah Hamouri est désormais en France avec cette accusation collée à lui. Et les réseaux extrémistes multiplient les attaques contre lui à ce titre. Ces fachos – les mêmes qui sévissent en Israël – veulent qu’il se taise. Mais cela va plus loin encore : c’est aussi son intégrité physique qui est en cause car les menaces de mort pleuvent sur certains réseaux.
Dans son livre, « Prisonnier de Jérusalem », Salah Hamouri est clairvoyant, lui qui les connaît plus que quiconque d’entre nous. Il écrit : « Connaissant leur façon de procéder, je ne serais pas surpris que, à force d’échecs à me faire taire, ils essaient de m’éliminer. »
On comprend donc que ce qui précède ne relève pas de la sphère privée. Il est question de vie ou de mort. Ces questions ont bel et bien un contenu hautement politique qui ne peut pas être ignoré du premier responsable d’un parti, surtout quand ce parti est le mien.
Alors sur tout cela : circulez et passez muscade ! Eh bien non ! J’en tire la conséquence : je m’en vais ! Je quitte le Parti communiste, je quitte mon parti.
J’aime bien les girouettes lorsqu’elles indiquent la direction des vents sur les toits. Je les déteste lorsqu’elles descendent dans la rue et désorientent les personnes par leur légèreté, leur négligence et leur cynisme.
J’attendrai, pour revenir au Parti communiste, que le vent tourne dans la direction de ce qui reste mon parti de cœur et de conviction.
Jean-Claude Lefort
Parlementaire honoraire
Ivry-sur-Seine, le 19 janvier 2024
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