Italie : les communistes s’interrogent
Le Parti communiste italien, celui de Gramsci et Togliatti, a été le plus important dans un pays capitaliste. Fort de plus d'un million d'adhérents et de son influence parmi les ouvriers , les salariés en général et les intellectuels, il était capable de faire descendre dans la rue de véritables fleuves humains pour une vie meilleure, pour la paix, pour le socialisme. Dans les années 1990, profitant de la disparition de l'URSS, les tendances opportunistes présentes en son sein ont fini par s'en emparer, le détruire ; en deux décennies le parti transformé en «chose», de reniement en reniement est devenu aujourd'hui un grand mouvement de centre gauche, favorable au capitalisme «européen», aux privatisations et aux mesures d'austérité, à la destruction des retraites, etc. :ce Parti Démocratique, dirigé aujourd'hui par le maire de Rome, Veltrone, ne se différencie guère de la droite parlementaire de Berlusconi, sinon par son côté plus laïque. On conçoit que le choix que vont avoir à faire les électeurs italiens entre cette gauche «ex-communiste», «ex-démocrate chrétienne» et la droite de Berlusconi et ses alliés «ex-fasciste modernisée» n'enthousiasme pas les électeurs : ils ont déjà vécu cette fausse alternance.
Dans la dégringolade politique des quinze dernières années, les communistes italiens qui voulaient rester fidèles à leurs principes, se sont constitués en deux organisations concurrentes, Rifondazione Comunista, qui a environ 70.000 adhérents aujourd'hui et le Parti des Communistes italiens, qui en compte environ 30.000. Tous deux ont des élus et même des ministres au sein du gouvernement de la gauche (Prodi), au prix de concessions opportunistes parfois. Comme en bien d'autres lieux en Europe, ils n'ont plus l'ancrage antérieur parmi les travailleurs : un sondage récent à Brescia, grande ville industrielle du Nord, parmi les métallos syndiqués, indique que la majorité d'entre eux se sent plus proche de la ligue lombarde, organisation xénophobe et démagogique que d'un parti communiste ; ils ne le considèrent plus comme leur porte-parole de classe comme autrefois. Ces dernières années, les luttes sociales, politiques, pour la paix ont été nombreuses en Italie : les militants communistes y sont actifs individuellement, mais leurs partis n'y sont guère efficaces, compte tenu des divisions internes qui les déchirent.
Au sein même des deux partis communistes, les uns, favorables à un organisation de « gauche », réunissant les «antilibéraux» les plus divers, à l'image de ce qui s'est fait en Allemagne (Die Linke), s'opposent à ceux qui préconisent au contraire l'unification des communistes, et des seuls communistes en un parti, gage d'efficacité pour l'avenir. Ils font en effet remarquer que, contrairement aux prédictions des «spécialistes», qui annonçaient le communisme définitivement dépassé depuis la chute du murs de Berlin, seuls les partis européens unis dans leurs convictions communistes résistent à la déferlante idéologique conservatrice (PC grec, portugais, tchèque, etc.) ; alors que tous ceux qui ont cru bon de s'ouvrir aux positions opportunistes, réformistes, sous prétexte d'élargissement ont perdu l'essentiel de leur influence (en France par exemple et en Italie, où la « gauche radicale » ne sera plus, en 2008 représentée au parlement, pour la première fois depuis 1945 !).
Dans le monde capitaliste actuel se dessine une crise financière, économique et sociale qui peut devenir aussi grave que celle de 1930 : rappelons-nous que cette dernière a transformé une donne politique qui paraissait immuable, et généré d'un côté le nazisme et fascismes en Europe centrale et de l'autre les Fronts populaires totalement imprévisibles quelques années plus tôt.
Si un tel bouleversement politique bouscule à nouveau les sociétés européennes, il serait utile que les foules désemparées trouvent un point d'appui dans des partis communistes solidement unis autour d'un projet clair de transformation socialiste ; si par contre elles n'ont comme recours qu'un ectoplasme «de gauche» aux tendances diverses, réunissant pour faire des voix la carpe et le lapin, des réformistes «eurocrates» aux trotskistes les plus divers, elles se précipiteront vers les premiers démagogues venus. Ce dilemme, cette leçon ne valent certes pas que pour l'Italie.
Francis A.
source : « collectif communiste polex »