Le 3 novembre 2006
A la suite de la publication fin octobre, de l’interview de Roger Martelli dans "l’Humanité" sur les événements de Hongrie de 1956, Guy Gibout, ancien journaliste à l’Humanité, Maire honoraire de Joinville-le-Pont (Val de Marne) a envoyé cette mise au point à Patrick Le Hyaric, directeur de publication du journal, qui pour, le moins, n’a pas, à ce jour, accusé réception. Le collectif de « Combat communiste », a donc décidé de la publier sur son site".
Cher Patrick
Après la parution de l’interview de Roger Martelli sur les événements de Hongrie de 1956, j’ai attendu quelques jours dans l’espoir qu’un article rappellerait la violente campagne anticommuniste qui s’est alors développée dans notre pays, notamment à Paris. Comme la tendance actuelle est de vouloir réécrire l’histoire, il aurait été judicieux et à l’honneur de notre journal de rétablir les faits avec la simple consultation des archives de l’Huma. Heureusement, nous sommes encore quelques « survivants » de cette époque, communistes de Paris et de la banlieue y compris quelques journalistes communistes du journal, aujourd’hui à la retraite, pour rappeler ce que nous avons vécu. Trois des nôtres y laissèrent d’ailleurs leur vie pour défendre l’Huma contre les fascistes.
Permets-moi de revenir sur ces événements dont tu trouveras trace dans les journaux de l’époque. Partout en France, les vendeurs de l’Huma sont agressés et le 7 novembre au soir, pendant qu’à l’assemblée nationale, Tixier-Vignancourt demande l’interdiction du Parti, une manifestation se déroule sur les Champs-Élysées. En tête du cortège on y voit Guy Mollet pour la SFIO, Georges Bidault, et…Le Pen entouré de ses paras qui se sont « illustrés » en Indochine et en Algérie. Après la dislocation du cortège à la Concorde, ceux-ci se dirigent vers le siège du Comité central carrefour Châteaudun, et commencent à y mettre le feu (les bidons d’essence étaient entreposés dans l’église Notre-Dame de Lorette !). Mis en échec ils se dirigent alors vers le siège de l’Humanité. Venus des faubourgs populaires de Paris, des entreprises de banlieue, les militants communistes, les ouvriers de l’imprimerie, les journalistes, s’affrontent violemment avec les fascistes, dont certains étaient parvenus à pénétrer au dernier étage du journal, en passant par les toits. Albert Ferrand et Francis LeGuennec, ouvriers de l’imprimerie, .y laissèrent leur vie, ainsi que Daniel Beaucourt qui succombera sous les coups de la police de Guy Mollet au cours de la manifestation organisée le 8 novembre.
Voilà les faits que le journal a pour devoir de rappeler. Ne serait-ce qu’en mémoire de ceux qui ont donné leur vie ou ont été blessés pour défendre leur Humanité. C’est aussi un devoir de mémoire pour les jeunes générations.
Bien sûr on pourrait aussi ajouter, par exemple, que nous sommes en pleine guerre froide, et que les américains ont déclaré vouloir repousser les frontières décidées à Yalta. Qu’en France, Guy Mollet et la majorité des députés socialistes se lancent dans l’aventure de Suez avec le « succès » que l’on connaît. C’est aussi l’intensification de la guerre d’Algérie avec l’envoi des réservistes et le maintien du contingent sous les drapeaux. C’est aussi la préparation du coup de force qui allait ramener de Gaulle au pouvor18 mois plus tard. Comme tu le vois, la situation était plus complexe que le laisse supposer Martelli. Mais j’estime qu’il est du devoir d’un journal comme l’Humanité de rappeler les faits, rien que les faits. Ce serait tout à son honneur. En dehors de toutes considérations politiques actuelles. J’allai écrire politiciennes ! Ce serait aussi se démarquer de la réécriture de l’Histoire comme la droite et le PS tentent de le faire aujourd’hui. (1)
Guy Gibout
(1)Comme on peut s’attendre à tout de la part des révisionnistes de tous poils, je m’attends à ce qu’on soutienne la thèse, selon laquelle les communistes ne seraient entrés dans la Résistance qu’après l’invasion de l’URSS en 1941. A ce sujet, je te signale une exposition remarquable en l’honneur du maquis de St Marcel (Morbihan) où est exposé du matériel( tracts, journaux…) qui montrent qu’en Bretagne, les communistes, clandestins depuis le décret du socialiste Sérol interdisant le PCF, n’ont pas attendus cette date pour lutter contre les nazis »
[source: combat communiste]