Bataille de classe et bataille nationale : Dialogue avec André Gerin par Jean Lévy
BATAILLE DE CLASSE
et
BATAILLE NATIONALE
par Jean Lévy
Jean Lévy, animateur du blog "Canempechepasnicolas" considère utile de donner son opinion sur l'intervention de notre camarade André GERIN, militant communiste critique, au sein du PCF.
En effet, le débat dépasse l'objectif de son congrès.
Il intéresse tous ceux qui, à l'intérieur comme à l'extérieur du Parti, sentent la nécessité de rassembler une force communiste, sur une base de classe, les millions de Français,
victimes de la dictature du capital.
"Canempechepasnicolas" estime utile de publier les propos d'André Gerin et de donner son sentiment dans le cadre d'un débat qui permette à chacun de se situer en connaissance de cause:
Avant le 36ème congrès du PCF
des 7-8-9-10 février 2013 à Aubervillers
André GERIN
Intervention à la Conférence fédérale du Rhône
qui s’est tenue à Givors les 1er et 2 février 2013
Je veux traiter deux points :
L’actualité politique et notre projet communiste
Comment sortir de l’impasse dans laquelle le PS tente de nous enfermer ? De cette tutelle hégémonique que nous avons acceptée sous la gauche plurielle ?
S’émanciper du PS devient vital.
Clarifions notre posture. N’étant pas au gouvernement, nous ne pouvons être dans la majorité présidentielle. Car en dehors du sociétal malmené, le PS a abandonné depuis trop longtemps, toute stratégie de transformation sociale dans le « blairisme » ambiant qui nous est servi.
Alors que faire ? Puisque nous voulons que la gauche réussisse quand la révolte gronde, Goodyear, Aulnay, Florange avec des salariés en état de légitime défense.
Le PCF, dans la posture d’opposition de gauche. Ce n’est pas une opposition de principe. Elle est critique et constructive. Ce que nous voulons c’est un PCF prêt à prendre ses responsabilités au gouvernement en correspondance avec les engagements face aux exigences populaires. Nous voulons un PCF prêt aux compromis, un PCF qui ne passe pas sous la table avec les socialistes qui accepte sans broncher les privatisations, les ordonnances sur la sécurité sociale et la directive européenne sur l’électricité, sous le gouvernement Jospin.
Portons une opposition de gauche pour empêcher l’échec, pour réparer la fracture avec le peuple et sortir de l’autisme. De la même manière, nous refusons le gauchisme et l’antiparlementarisme, deux démarches qui fragilisent la fracture politique.
Etres autonomes bien au-delà du Front de Gauche, c’est l’ensemble du peuple qu’il faut rassembler. Il n’y a pas d’un côté le peuple de gauche et d’un autre, le peuple de droite. Il est trop facile, comme le font certains médias, de conclure à une droitisation de l’opinion. Il y en a assez de mépriser assez de morgue vis-à-vis de la France d’en bas. C’est le peuple de France qui souffre et qui appelle « au secours ». La notion Front de Gauche apparaît bien étriquée au regard des défis de civilisation. Il nous faut donc impérativement changer de logiciel pour moderniser notre approche. Nous devons mettre le peuple au centre de toutes nos questions pour bousculer la délégation de pouvoir et surtout appeler à la conquête des pouvoirs, à la prise du pouvoir : dans l’entreprise, les institutions, la finance, les média et les idées. Pour bousculer l’ordre établi, nous faisons appel à l’insurrection et à la subversion.
Notre projet politique pour ouvrir une alternative s’inscrit dans cette résistance au capitalisme prédateur dans le même esprit que la Résistance pendant la deuxième guerre, au cœur de la braise sociale et politique.
Plus d’un milliard d’êtres humains ne dispose pas du premier droit de l’Homme, le droit alimentaire alors que pointe la menace d’une troisième guerre mondiale, avec un capitalisme occidental cynique et sans pitié.
Je veux prendre au mot la proposition d’un communisme de nouvelle génération. Nous devons, tous ensemble, écrire tous les chapitres de ce livre. Allumer de nouvelles étoiles, les pieds dans la glaise, sans oublier l’histoire du PCF.
La page du congrès de Martigues doit être tournée, de ses renoncement qui ont contribué à diviser et à disperser les communistes, au nom de la dite modernité, ce que j’ai appelé « le dépôt de bilan de Fabien » Je ne suis pas communiste pour aller vers le PS et pour jeter aux orties ce qui a fait l’identité et la diversité du PCF.
Je refuse les caricatures, les réductions d’un communisme présenté comme criminogène ou encore totalitaire alors, que cela plaise ou non, il apparaît comme un phénomène politique majeur de l’histoire du 20ème siècle, avec ses ombres et ses lumières. Si nous devons être sans complaisance vis-à-vis de l’histoire, je ne vois pas en quoi les communistes français auraient du sang sur les mains.
Oui ! La révolution d’octobre a changé le cours de l’histoire de l’humanité.
Un communisme né dans la guerre qui a incarné la modernité dans un pays arriéré.
C’est vrai, nous avons idéalisé, nous avons sacralisé l’URSS. Pourtant, l’envergure du communisme, l’idéal révolutionnaire, la lutte pour la paix ont constitué les points forts du siècle dernier.
Toutes les conquêtes de pouvoirs, syndical, municipal, la lutte contre le fascisme, la reconstruction de la France « la France de Jean-Ferrat ou le Chiffon Rouge », la France du drapeau tricolore et du drapeau rouge. Les valeurs et les idéaux du socialisme et du communisme ont irrigué le monde.
Comment s’expliquer ce qui se passe aujourd’hui sans cet héritage ?
Impossible de faire l’impasse sans parler des étoiles que nous avons portées qui ont fait de notre pays, la passion française du communisme.
Si nouvelle génération du communisme il y a, elle doit s’enrichir de l’histoire des générations précédentes qui ont contribué à être attractives dans le tiers monde. Ce phénomène historique qui a réussi plus souvent qu’on ne le dit.
Notre culture politique issue du siècle dernier, la culture communiste, notre fierté s’inscrit dans le combat pour un projet commun.
Je veux être clair : le doute à propos du congrès de Martigues n’est pas levé.
Même si je mesure le fait que le PCF a toujours droit de cité 13 ans après et j’apprécie la volonté de rassembler les communistes. Je doute encore, lorsque j’entends des responsables politiques entretenir l’idée qu’il faudrait dépasser le PCF, aller vers la création d’une nouvelle force politique. Ne tournons pas autour du pot, depuis la chute du mur de Berlin en 1989, cette bagarre existe, une lutte interne est menée pour tenter de dépasser, effacer la place et le rôle du PCF.
Car je suis convaincu que l’échec du socialisme du 20ème siècle n’invalide pas la portée universelle du communisme, pas plus que la Saint-Barthélemy a mis en défaut les valeurs du christianisme. Comme le dit Pierre Laurent : repenser, rassembler
C’est OK : oui parlons des drames du 20ème siècle en parlant de toutes les forces politiques ayant des responsabilités dans l’histoire de France.
Oui parlons des combats communistes qui ont joué un rôle majeur dans l’histoire de la France. Malgré les blessures, les désillusions, nous pouvons être fiers d’être communistes, lucides et fiers de nos aînés.
Dès les années 60 on a débuté ce travail de « repenser » : comité central d’Argenteuil de 1966, manifeste de Champigny 1968, le socialisme aux couleurs de la France en 1973, L’URSS et nous en 1969… tout cela s’est fait avec des avancées et des reculs.
Si le communisme doit reconstruire sa légitimité, il peut le faire avec un PCF capable de faire du neuf, capable de se régénérer, qui refuse de se fondre et de se confondre.
Le PCF a de l’avenir en étant indépendant, en capacité de prendre des responsabilités pour diriger la France, en volant de ses propres ailes, en devenant la 3ème force politique du pays. Le duo UMPS n’est pas fatal, l’influence du Front national peut être réduite de manière significative.
Notre raison d’être de communistes, au PCF c’est la souveraineté du peuple en toute circonstance.
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Jean Lévy (canempechepasnicolas) :
André Gerin a raison :
"Notre raison d’être de communistes, au PCF, c’est la souveraineté du peuple en toute circonstance. "
Mais le peuple de notre pays est-il aujourd'hui, en capacité d'exercer sa souveraineté ?
Cette question induit une autre interrogation, toute aussi capitale : l'indépendance de la France est-elle assurée ?
La réponse est doublement NON !
Dans ces conditions, peut-on envisager une bataille politique et sociale déconnectée de cette réalité ?
Poser la question, c'est y répondre.
Or, André Gerin n'aborde pas le sujet de la dépendance de la France, prisonnière et muselée au sein de l'Union Européenne. Ni que celle-ci résulte d'un projet élaboré, il y a plus de soixante ans, par les forces politiques liées au capital pour imposer sur notre continent un système de contre-révolution économique et sociale.
La "chute du Mur" en 1989 et l'implosion de l'Union soviétique, deux ans plus tard, constituent les jalons programmés qui ont conduit à l'intégration, à la vassalisation, pourrait-on dire, de notre pays dans un ensemble visant à la constitution d'un Empire dominé par le capital allemand.
Le socialisme en construction en URSS et dans l'Est européen était un obstacle à la réalisation de cet objectif. Pour atteindre celui-ci, il fallait l'abattre. Le socialisme a été défait, au sens militaire du terme. Ce n'est donc pas un "échec" du système.
Et de cette bataille perdue, les peuples en paient le prix aujourd'hui.
Qui, de nos jours, oserait prétendre que la remise en cause globale de notre système social, construit au XXème, à partir d'ardentes et permanentes luttes ouvrières, pourrait être menée à bien, alors que serait présente à l'autre bout de l'Europe, une puissante Union soviétique avec ses réalisations sociales d'avant-garde, vitrine du socialisme ?
Le dénigrement systématique de l'URSS et de ses dirigeants par le Parti Communiste Français rejoint dans ses effets l'offensive menée tambour battant par le capital contre le socialisme. Il faut être conscient de cette convergence idéologique, si préjudiciable à notre peuple, et en premier lieu à sa classe ouvrière.
Il est dommage qu'André Gerin ne se démarque pas clairement de cette dangereuse démarche.
D'autre part, on peut s'étonner que notre camarade qui, il y a peu d'années, exprimait publiquement la nécessité pour la France de quitter l'euro et l'Union européenne, ne reprenne pas cette perspective dans sa prise de position en vue du congrès.
La lutte pour une autre société ne peuvent se concevoir sans l'indépendance de la France et la souveraineté de son peuple. C'est une donnée incontournable du combat communiste.
Situer nos luttes poltiques contre la droite et le PS, sans tenir compte de notre dépendance européenne, c'est mentir (même par ommission) à notre peuple. Celui-ci a conscience d'être face à un mur infranchissable. On l'appelait naguères le "mur d'argent",
formule plus que jamais valable. Encore qu'il ait pris une dimension nationale s'ajoutant à son caractère de classe.
La Banque Centrale Européenne a pris la place de la Banque de France.
C'est à Francfort, via Bruxelles, et non plus à Paris que se décide la stratégie du capital, relayée dans notre pays par les politiciens de droite comme (faussement) de gauche à son service.
C'est à partir de cette nouvelle donne que doit se construire un large front de résistance, que les communistes - les vrais - dans ou hors du PCF, doivent animer pour oeuvrer à la chute du Mur, celui du Capital.
C'est dans cette perspective que prendront corps les "Assises du communisme", prévues fin juin prochain.
Source : le blog de Jean Lévy : "ça n'empêche pas Nicolas"