Décomposition … [l'éditorial d'INFORMATIONS OUVRIÈRES]
L’ÉDITORIAL d’INFORMATIONS OUVRIÈRES
par Daniel Gluckstein,
Secrétaire national du POI
A lui seul, Jean-Pierre Jouyet est un symbole. Membre du cabinet du ministre « socialiste » Jospin il y a vingt-cinq ans, hier ministre de Sarkozy, et aujourd’hui secrétaire général de l’Elysée, il incarne la continuité de la Ve République, ce régime antidémocratique marqué dès l’origine par les scandales, les coups tordus, les combines. Au point que même les grands spécialistes de la presse n’arrivent pas à savoir aujourd’hui si le scandale Jouyet-Fillon est plus dommageable à la droite, à la gauche ou aux deux.
La Ve République fut mise en place dans le but d’instaurer un régime corporatiste intégrant les organisations ouvrières à l’Etat pour mieux remettre en cause les conquêtes collectives de la classe ouvrière et la démocratie. Mais tout au long de son histoire, elle s’est heurtée à la résistance ouvrière l’empêchant d’aller jusqu’au bout de cet objectif.
Sa décomposition atteint à présent un tel niveau que l’un des plus prestigieux « think tanks » de Washington — le Peterson Institute — propose tout simplement que la France abandonne son système présidentiel, au motif que le président est devenu trop affaibli pour imposer les contre-réformes qu’exige le capital, et que sa fonction centrale interdit une « grande coalition » d’union nationale comme en Allemagne. « Le centre gauche et le centre droit ne s’allieront jamais pour passer ces réformes de bon sens, car chacun veut détruire les chances de l’autre de gagner la prochaine élection présidentielle », affirme ce rapport, qui plaide en faveur d’une réforme des institutions… au nom de la continuité des coups à porter contre la classe ouvrière et la démocratie. Ce qui nous conforte dans la conviction qu’il n’y a pas de forme sans contenu. Tout changement des institutions, y compris émanant d’une Assemblée constituante, devra répondre à la question : au service de quels intérêts, de quelle classe de la société ?
Dans ce contexte, vient de se tenir le conseil national du Parti communiste français. Pierre Laurent y a appelé à « déployer partout dans le pays un puissant, large et permanent mouvement d’action pour stopper les politiques d’austérité ». Affirmant que « Manuel Valls n’est pas, ne sera jamais le Premier ministre de la gauche », il a appelé à faire des élections départementales de mars 2015 un moment de « la bataille engagée contre ceux qui » s’acharnent à vouloir « imposer l’austérité ».
Il y aura donc, précise L’Humanité, des candidatures du Front de gauche sur cette orientation dans tous les cantons sauf… dans ceux qui risqueraient de voir un deuxième tour droite-FN. Dans ce cas « des exceptions sont envisagées à la règle de candidatures clairement en rupture avec le gouvernement Hollande-Valls ». Traduisons : soutien dès le premier tour aux candidats du Parti socialiste, voire du centre, ou d’autres combinaisons
Question : comment travailler à « stopper » le gouvernement en soutenant des candidatures « qui ne sont pas en rupture avec le gouvernement Hollande-Valls » ? Comment combattre le gouvernement Hollande-Valls sans rompre avec lui (1) ?
(1) Sous une autre forme, ce problème va surgir dans les prochaines semaines dans les municipalités appelées par le gouvernement à transposer le pacte de responsabilité et ses coupes dans leurs orientations budgétaires.