« Désastre » euro-électoral [le nouveau Bastille-République-Nations]
"Désastre" euro-électoral
Les élections européennes se sont déroulées du 22 au 25 mai dans les vingt-huit pays de l’UE. Les résultats se caractérisent d’abord par une abstention massive ; souvent par un renforcement de formations affichant un rejet de l’intégration européenne ; et, toujours, par le lien avec les enjeux nationaux.
Globalement, la participation stagne à 43,1%, contre 43% en 2009. Ce niveau particulièrement bas peut être comparé à celui du premier scrutin européen : en 1999, 62% des électeurs avaient pris par au vote, un niveau qui a baissé continûment depuis. La tendance se serait probablement accentuée encore en 2014 si plusieurs pays n’avaient pas jumelé le scrutin européen avec des élections régionales (Italie, Irlande, Grèce, Royaume-Uni…), référendums locaux (Allemagne…) – voire scrutin national, comme en Belgique.
Les pays d’Europe centrale affichent globalement des records de participation famélique, parmi lesquels la Hongrie (28,9%, soit -7,4% par rapport à 2009), la Pologne (22,7%, -1,8%), la Slovénie (21%, -7,4%), la République tchèque (19,5%, -8,7%), la Slovaquie (13%, -6,6%), voire la Croatie (25%) qui vient pourtant d’adhérer cette année. Le Portugal (34,8%, -2%) figure également en bas du tableau. A l’autre extrême figurent la Belgique et le Luxembourg (90% chacun), où le vote est obligatoire (ce qui est aussi le cas en Grèce). Le Danemark (56,4%, -3,1%) et l’Irlande (51,6%, -7%) franchissent le seuil des 50%. Dans le premier cas, un rejet de l’UE s’est fortement manifesté par des suffrages en faveur d’une formation classée à l’extrême-droite, qui arrive en tête ; dans le second, par un succès spectaculaire du parti nationaliste progressiste Sinn Fein.
Tout en restant particulièrement forte, l’abstention a légèrement reculé dans certains pays où des forces se sont présentées comme porteuses d’un vote de protestation anti-UE, en tout cas ressenti comme tel. Deux Etats illustrent ce cas de figure : le Royaume-Uni, où la participation progresse de 34,7% à 36%, parallèlement à la déferlante UKIP ; la France, où le vote Front national, qui arrive en tête avec 24,9% des suffrages, s’accompagne d’une participation qui passe de 40,6% à 43,5%. On peut également citer le cas de l’Allemagne, où 47,9% des électeurs se sont dérangés contre 43,3% en 2009, précisément au moment où le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), fondé contre l’euro il y a moins d’un an, réussit une percée. En Grèce enfin (58,2%, +5,6% de votants), pays cobaye pour l’austérité imposée par l’UE, le scrutin a fait figure de référendum contre cette politique.
Les enjeux de politique nationale ont été partout déterminants, notamment dans ce dernier pays, où la perspective de contraindre le premier ministre à la démission a compté. Enjeux nationaux également en Hongrie, un mois après les législatives ; au Royaume-Uni, où le chef du gouvernement est plus que jamais sous pression pour une sortie de l’UE ; en Italie, où les électeurs semblent avoir voulu donner une chance au nouveau président du Conseil ; en Espagne où les deux partis ayant successivement mis en œuvre l’austérité bruxelloise, le PSOE (socialiste) et le PP (droite), s’effondrent en chœur ; en Pologne, où le chef du gouvernement a tenté d’utiliser une rhétorique anti-russe (dans le dossier ukrainien) face au parti de droite rival ; et bien sûr en Belgique, où l’avenir et l’intégrité du pays étaient à nouveau sur la sellette (BRN analyse dans son édition imprimée les résultats dans six pays où des scrutins nationaux se sont tenus récemment ou sont prévus dans un proche avenir).
S’il y a bien un point qui semble réunir les peuples des vingt-huit Etats membres, c’est leur commune indifférence aux grandes manœuvres qui s’esquissent au sein du microcosme en vue de désigner les futurs leaders bruxellois, dont le patron de la Commission. Le Conseil européen, réuni le 27 mai, a chargé son président de lancer des négociations entre europarlement et Conseil.BRN y reviendra dans ses prochaines éditions.