Enseignement : « la tâche de reconstruction apparaît gigantesque »
Le Forum des Lecteurs
Depuis le 6 mai au soir, un peu d'espoir semble réchauffer nos vieux cœurs usés par les attaques quasi hebdomadaires, parfois quotidiennes, de nos «ex» gouvernants.
Effectivement, la destruction systématique et idéologique de notre société et de nos services publics, dont l'Education Nationale fut un des Grands Invalides Civils, avait atteint les enseignants attachés à leur mission au plus profond de leurs convictions professionnelles.
Quelle source d'eau claire et quel vent de liberté, que ce départ gouvernemental !
Pourtant, ce sentiment de libération ne doit pas occulter les réalités que nous allons devoir affronter.
Quelles que soient la bonne foi et la bonne volonté de nos «nouveaux» dirigeants, le paradis n'est pas encore à l'ordre du jour, car pour éradiquer les inégalités sociales et économiques qui gangrènent notre société et fabriquent du racisme, il faudrait des mesures en profondeur que ces dirigeants ne semblent pas déterminés à faire.
En effet, rattraper quinze ans de destruction de l'école publique, (de Claude Allègre en 1997, avec son «dégraisser le mammouth» et les «emplois jeunes» dont les dérives ont amené la précarité à l'école et des salariés sans droits à la retraite...) aux actes finaux avec Darcos et Fillon : disparition programmée et presque finalisée des RASED, 60 000 postes en moins, évaluations inadaptées et inutiles, destruction du droit de grève avec le SMA (service minimum d’accueil), destruction des conditions de travail et disparition programmée de l'école maternelle, la tache de reconstruction apparaît gigantesque.
L'enjeu est simple : permettre à l'école d'aider les enfants en difficulté là où les inégalités socio-économiques font de ces enfants les premières victimes.
De ce point de vue, on ne peut que se féliciter de la disparition de la vision «réactionnaire et liberticide» de l'ancien régime, au profit d'un projet plus «humain» (l'Humain d'abord ?)
...Mais notre nouveau gouvernement se donnera-t-il les moyens pour être suffisamment humain ?
Car, en refusant de s'attaquer aux causes systémiques de notre société : hold-up boursiers, dépossession de la souveraineté monétaire des Etats au profit des banques privées, ou encore en laissant prendre le peuple en otage par la mondialisation au nom de la sacro-sainte «compétitivité », le gouvernement socialiste ne risque-t-il pas de seulement copier l'UMP et de laisser se reproduire l'histoire du XXe siècle et l'avènement de l'extrême droite ?
Une fois posés ces problèmes, il n'en reste pas moins que les premiers actes posés par le nouveau ministre de l'Education Nationale expriment une volonté de concertation et de revalorisation du système qui nous changent de la caricature de «dialogue social» de l'ancien régime. Voici les premiers éléments encourageants :
- les rythmes scolaires : concertation prévue avec les syndicats afin de construire, dans l'intérêt de l'enfant, un système plus adapté. (Pourquoi cette concertation ne s'opérerait-elle pas, comme en 1983, en réunissant tous les citoyens en journées banalisées au sein de l'école : parents, élus et enseignants ?)
- la récupération des «deux heures supprimées» à tous les élèves et ajoutées aux enfants en difficulté pour lesquels (pour 70%) le problème est plus profond et les solutions plus
efficacement prodiguées par des personnels RASED qualifiés.
- évaluations CE1 et CM2 dont il est clair qu'elles n'étaient pas conçues par des enseignants, ou alors des enseignants ayant une conception ne prenant pas en compte les réalités de l'enfant dans la société actuelle, ni celles de l'école.
Autres mesures à suivre...
Daniel Coutant,
enseignement de primaire (Dordogne)
Mercredi, 6 Juin, 2012