Irlande - Référendum: un vote contre l'austérité
Irlande- Référendum : un vote contre l’austérité
Le gouvernement irlandais a annoncé un référendum sur le traité fiscal le 31 mai prochain, en suivant l’avis de l’Attorney General (AG). Les référendums sur des traités qui diluent la souveraineté de l’Irlande constituent une tradition qui ne porte pas chance au gouvernement.
Cette tradition existe parce qu’en 1987 un citoyen nommé Raymond Crotty a porté plainte contre le gouvernement devant la Cour suprême d’Irlande et a gagné son procès. Depuis lors, tout traité majeur de l’UE a été soumis au vote du peuple irlandais. Il est vrai qu’en ce qui concerne les traités de Nice et de Lisbonne, il a fallu voter deux fois !
Le Sinn Féin est opposé à ce traité fiscal, que nous appelons traité d’austérité :
- Ce traité ne résoudra pas la crise. Aucun économiste n’a déclaré que cela serait le cas ; et aucun ne déclare que la crise de la zone Euro, et notamment la crise irlandaise, aurait été évitée si les règles du traité avaient été en place auparavant.
-Les règles en question sont impraticables et leur seul effet sera d’aggraver encore davantage la situation économique. Elles impliqueront des coupes supplémentaires d’un montant de 6 milliards d’euros, si l’Irlande abandonne l’actuel programme UE/FMI. (Ces règles ne s’appliquent pas tant que l’État reste partenaire de ce programme). Cela signifie une austérité encore plus sévère.
-L’État devra céder une énorme partie de son pouvoir de contrôle sur les affaires économiques à des entités extérieures. La Commission et la Cour de Justice auront un pouvoir plus grand sur ce que le gouvernement pourra, ou ne pourra pas faire, avec son propre budget. Le fait que l’AG ait conseillé au gouvernement la tenue d’un référendum prouve que l’on est en présence d’une importante perte de souveraineté.
Le seul argument que les partisans du OUI ont tenté de mettre en avant est le suivant : en disant NON l’Irlande fermerait elle-même son accès à des emprunts futurs, à cause du lien qui existe entre la ratification de ce traité et le Mécanisme européen de stabilité (ce nouveau fonds permanent de l’UE).
Cet argument est en train de s’imposer. Il y a des économistes, des syndicalistes, etc. qui sont opposés à la nature économique du traité, mais qui disent : nous n’avons pas le choix à cause de ce lien avec le MES.
Cette réalité est un élément primordial dans notre bataille pour gagner les cœurs et les esprits. Pour notre part, le lien avec le MES constitue une « clause de chantage » et, en toutes circonstances, Dublin peut exercer son droit de veto pour refuser ce lien. Ce n’est pas le MES qui sera soumis à notre vote, c’est le texte du traité qui le sera. Tout en déclarant être opposé à la clause de chantage, le gouvernement est visiblement satisfait de s’en servir pour pousser les gens à voter OUI.
La campagne
Le Sinn Féin lancera son programme alternatif et sa campagne au cours des prochaines semaines. Notre argumentation reposera essentiellement sur le fait que nous sommes en présence d’un « Traité d’austérité ». Les coupes, les charges qui pèsent sur les ménages etc. suscitent une grande colère. Notre tâche est de faire le lien entre ces coupes et le traité d’austérité qui suit la même logique et dont le seul effet sera d’aggraver les perspectives économiques.
D’une certaine manière cette campagne ressemblera aux autres campagnes afférentes à des traités de l’UE, le Sinn Féin étant à la tête du camp du NON, ensemble avec d’autres forces de gauche, tandis que les partis conventionnels et les medias feront la promotion du camp du OUI.
Cependant, il y aura quelques différences. Il ne s’agit pas d’un traité de l’UE – il s’agit d’un traité intergouvernemental. Une partie de la classe politique en Europe est très méfiante à l’égard de cette nouvelle approche. Leur souci est en partie d’ordre politique – à leurs yeux il rend une Europe unie plus improbable – et en partie d’ordre pratique, les nuances législatives de cette approche étant très loin d’être claires. Par exemple, jusqu’à quel point peut-on soutenir qu’il convient de donner aux institutions de l’UE le pouvoir de superviser et de mettre en vigueur un traité qui n’est pas un traité inhérent à l’UE ?
Il s’agit d’un traité purement fiscal. Ce traité ne comporte que quelques pages, alors que des centaines de pages techniques composent le traité de Lisbonne.
Ces réalités sont porteuses de grands enjeux et offrent des opportunités. Précédemment, dans les référendums de l’UE, on trouvait une frange de la société qui, de manière instinctive, soutenait l’UE considérée comme une force positive pour la prise en compte de ses intérêts. Cette fois-ci,cette frange de la société n’est pas unanime pour soutenir le traité. Ce traité ne présente pas d’arguments en faveur de l’environnement, des droits de l’Homme, des droits des femmes, etc. Ce n’est même pas un traité de l’UE.
Le gouvernement répand des rumeurs alarmistes qui prétendent qu’un NON serait un facteur d’isolement et nous obligerait à quitter l’Euro. Cet argument n’a absolument aucun fondement et en vérité l’opposition contre le traité grandit à travers toute l’Europe.
Au cours des prochaines semaines, le Sinn Féin aura une occasion formidable pour prendre la tête des forces d’opposition à l’austérité et pour diriger la campagne pour la protection de la souveraineté irlandaise.
Gagner cette bataille sera un défi extraordinaire. Plus l’enjeu est grand, plus la réaction des puissants sera tenace, il s’agira de la tentative la plus audacieuse déployée jusqu’alors par les forces de l’UE pour miner la démocratie irlandaise et pour que le capitalisme devienne la loi.
C’est pourquoi le Sinn Féin est prêt à prendre la tête de l’opposition à ce Traité d’austérité, dans toute l’Irlande.
Kathryn Reilly
sénatrice du Sinn Fein
porte-parole
sur les questions européennes
Source : Lettre des Relations Internationales PCF- avril 2012