L’entreprise à ceux qui y travaillent – suite (une tribune libre d’Elie Dayan)
Il est généralement admis que nous vivons une crise gravissime dont le sommet n'est pas encore visible; une crise qui affecte tous les aspects de la vie sociale et nationale (même si elle ressemble à celle de la plupart des autres pays européens). Sans doute la crise a-t-elle surgi du commerce d'argent (banques et assurances) dont la dette n'est qu'une manifestation,
Mais la source de la crise ne peut être maquillée tout le temps partout : les tenants de cette fable peinent à la justifier et s'énervent, et avouent : ce sont les coûts salariaux qu'ils visent, comme les pseudos « charges salariales qui empêchent d'embaucher ».
Nous y voilà ! Le mot d'ordre de guerre au coût du travail n'est pas nouveau : il y a très longtemps, deux siècles déjà, que l'entrepreneur capitaliste exploite cette particularité du travail salarié :
Il produit plus de richesses qu'il n'en consomme pour travailler. En 2009, l'entreprise France a produit intra muros :
- 1721 milliards de richesses avec un coût salarial global de 1014 milliards (pour 25 millions de travailleurs) soit 53,1%
- 535 milliards d'excédent brut d'exploitation reste à l'usage de l'entrepreneur, c'est le profit 31,1%.
VOUS AVEZ DIT PRODUCTIVITE ?
Oui, nous disent nos juges très embarrassés qui croient pouvoir expliquer que ce n'est pas cela qui compte, mais … la durée du travail ! (véritable cauchemar de Sarkozy comme de son ministre … du Travail.)
Faux, nous disent les statistiques internationales : la productivité du travail HORAIRE est toujours la première au monde.
Elle s'exprime par le rapport entre la valeur créée par le travail et le prix du travail :
• une heure de travail salarié ne rapporte que 58,3% au salarié
• mais lorsque celui-ci veut consommer cette valeur, il versera un impôt, TVA de 10,8% en plus
• l'entrepreneur lui, tirera 33,1% net de la valeur ajoutée en « excédent brut : 535 milliards pour l'entreprise France et ses 25 millions de salariés.
Une feuille de paie d'un salarié de France (on y prête, hélas trop peu d'attention) comporte une particularité, deux colonnes de chiffres :
• l'une décrit tous les éléments de votre salaire direct
• l'autre dont le montant est prélevé SUR le travail salarié (et non sur l'entreprise) sous forme de cotisations et redistribué aussitôt pour financer les caisses maladie, retraite, accidents du travail : c'est le salaire socialisé ;
en mutualisant ainsi les moyens, sans passer par les circuits financiers, c'est une forme de financement du « modèle social français » qui ouvre à toutes et à tous, l'égalité des droits aux soins, à la retraite. Or les sociologues sont formels : la santé et l'éducation sont les deux piliers de la productivité du travail.
C'est une erreur de considérer ces chiffres autrement que comme une moyenne: l'INSEE considère une entité qui emploie plus de dix salariés comme une entreprise : elles sont moins de 150.000 qui emploient 8.400.000 salariés et réalisent 1.700 milliards de chiffre d'affaires; Mais elles ne sont que 97 qui emploient 3.300.000 salariés et réalisent 1.135 milliards de chiffre d'affaires! Plusieurs centaines de fois plus puissantes que les petites et moyennes entreprises, puissance qui leur assure la place de leader de l'économie, et du même coup de l'appareil d'Etat qu'elles ont peu à peu transformé en leur bras armé : ce sont elles dont il faut briser la puissance, la nocivité. Leur rôle a été facilité par la tradition de la République qui prive de droits les salariés dans l'entreprise dont pourtant toute la vie procède.
Il faut donc se réjouir de voir que des collectifs de salariés, discutent du pouvoir dans l'entreprise. On peut en débattre, mais surtout pas en écartant, comme le fait un lecteur, la question comme du « n'importe quoi ».
La prise du pouvoir par les élus du personnel des 97 géants vous doutez de sa faisabilité ?
Moi pas ! Leurs 3.300.000 salariés y sont prêts, ça changerait la France de fond en comble, c'est le moment.
Elie DAYAN
Forum Rouges Vifs
Janvier 2012