Les Etats Unis : Quel rôle en Egypte ?
Le coup d’état perpétré par l’armée égyptienne contre le président Morsi continue toujours d’alimenter les commentaires des observateurs à travers le monde qui suivent de près la situation dans le pays du Nil. L’analyse des dernières déclarations de certains responsables américains et la prise de position de quelques Etats arabes ont amené ces mêmes observateurs à se poser des questions sur le véritable rôle joué par les USA dans les événements survenus en Egypte.
De prime abord il paraît inconcevable que les militaires égyptiens aient entrepris une telle opération sans l’aval et à l’insu des Etats-Unis, un pays auquel l’état major égyptien a toujours été très proche. De plus les hauts responsables de l’armée égyptienne n’ignoraient pas la réaction brutale et indélébile que la destitution de Mohamed Morsi un président démocratiquement élu par une majorité de citoyens, allait susciter dans le pays. Et pourtant ils ont agi, encouragés par le soutien de l’Amérique et ses satellites arabes. Les Frères musulmans représentent en effet le parti le plus important en Egypte, le mieux structuré et le plus endoctriné. Pour eux l’action politique est synonyme de guerre sainte. Ils bravent la mort et considèrent le Jihad comme le meilleur moyen d’accéder au paradis. Une organisation par conséquent dangereuse, qui fausse et met péril cet équilibre que l’administration américaine cherche à maintenir dans la région.
L’arrivée au pouvoir de cette formation fanatique, enflammée et frénétique n’avait rien pour plaire aux Américains pour qui, cependant, le contrôle stratégique du Proche et Moyen Orient constitue la priorité des priorités. L’engagement des USA hier en Irak et aujourd’hui en Syrie, bien que plus discret, est la meilleure preuve de l’intérêt qu’ils accordent à la situation dans la région, une situation qui intéresse en premier lieu les pays du Golfe, tous ces royaumes et émirats richissimes, très jaloux de leur patrimoine pétrolier. Ces seigneurs arabes qui règnent chacun dans son univers doré ne tiennent aucunement à ce que des Islamistes viennent leur faire concurrence dans leurs fiefs.
Les Frères Musulmans sont connus pour être anti-monarchiques. Les Wahhabistes saoudiens ont toujours vu en eux un rival et un ennemi potentiel, d’où leur soutien plutôt aux Salafistes considérés comme les concurrents des Frères Musulmans. L’Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes ont été les premiers à se réjouir de la chute de Morsi et à accorder aux nouveaux dirigeants égyptiens une aide substantielle d’un total de douze millions de dollars, une contribution bienveillante qui aura toute la bénédiction de l’oncle Sam. La collaboration pour la sécurité dans le Moyen Orient est une affaire d’intérêt commun pour l’Amérique comme pour les pays du Golfe où les Etats-Unis ont toujours possédé des bases pour leurs forces militaires. Signalons à ce sujet que l’Emirat de Bahreïn abrite toujours le siège de la Ve Flote de l’US Navy, une place d’une extrême importance stratégique.
Dans un article publié le 22 juillet 2013 dans le journal Métro de Montréal et intitulé « l’Amérique aurait financé la chute de Morsi », le chroniqueur Hassan Serraji écrit :
« Les programmes du département d’Etat américain financeraient des opposants égyptiens qui ont émergé lors des manifestations contre le régime Moubarak en février 2011. Selon Al-Jazeera, ils font partie d’un vaste effort de l’administration américaine pour stopper le recul des laïcs, alliés de Washington, dans le but de reprendre son influence dans les pays du printemps arabe qui ont enregistré une montée des islamistes. Des islamistes qui mettraient en péril les intérêts de Washington dans la région.
Selon des documents fédéraux américains, plus d’un milliard de dollars ont été déboursés par les Américains pour la « promotion » de la démocratie dans la région, depuis 2002. On sait maintenant que l’Oncle Sam a versé beaucoup de dollars à Omar Afifi Soliman. Cet ancien colonel d’une unité d’élite de la police égyptienne tristement célèbre pour ses violations des droits de l’homme ravive depuis son exil la violence dans son pays, précise la chaîne qatarie. »
On parle aujourd’hui notamment dans les médias européens, de combats quotidiens entre partisans et opposants de Mohamed Morsi. Mais pourquoi les opposants du président déchu vont-ils continuer à occuper la voie publique et à se mesurer aux Islamistes, à partir du moment où ces derniers ont été chassés du pouvoir, qu’un nouveau gouvernement a été mis en place et que les forces de l’ordre (armée et police) contrôlent la situation ? Ne soyons pas naïfs à ce point ! Les laïcs égyptiens, les vrais progressistes savent très bien que l’armée est la continuation de Moubarak et la pérennité de la dictature militaire Les gens qui occupent actuellement la place At tahrir ne sont autre que des soldats en civil ou des réservistes pour leurrer l’opinion internationale. Bien entendu toutes les personnes qui se mettent devant les caméras de télévision sont des éléments recrutés par l’armée pour parler soit disant au nom d’une opposition laïque.
En réalité les seules et uniques forces qui s’affrontent physiquement actuellement en Egypte sont d’un coté l’armée et d’un autre les Frères Musulmans. Certes les deux camps n’ont pas le même potentiel militaire et les mêmes moyens matériels et financiers. Mais grâce à leur fanatisme et leur conviction en leur projet, les Islamistes risquent de tenir la corde bien raide aux autorités actuelles. C’est une organisation qui existe depuis plusieurs décades, qui a des moyens financiers très importants et qui est capable d’agir aussi bien ouvertement que de manière clandestine, une technique à laquelle elle est bien rôdée. Il y a bien entendu une multitude de petits partis politiques mais aucun d’eux n’est actuellement en mesure de tenir tête à l’armée.
Nous l’avons déjà dit et nous le répétons ici : le dossier égyptien n’est pas prêt à être clos. Rappelons enfin que l’occident et plus particulièrement les USA ont l’habitude de casser tous les régimes forts de la région qui leur sont hostiles (Irak, Libye et demain la Syrie et l’Iran) et de partir en laissant derrière eux des situations chaotiques et des pays ingouvernables. C’est peut être voulu parce que des peuples désorganisés et ruinés sont mieux contrôlables et plus facilement exploitables que d’autres.