Lettre ouverte à Monsieur le Maire sur les questions de santé à Paris
Union des syndicats CGT de Paris
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A l’attention de Mr B. DELANOE
Maire de Paris
Hôtel de Ville de Paris
4, rue Lobau
75004 Paris
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE MAIRE SUR LES QUESTIONS DE SANTE A PARIS
Paris, le 1er juin 2010
Monsieur le Maire de Paris,
Nous sommes très inquiets quant à l’avenir de notre système de santé et les choix politiques engagés qui remettent en cause l’accès à la qualité des soins pour tous.
Si les progrès des sciences et des techniques sont à mettre en lumière permettant des diagnostics précoces et une adaptation thérapeutique efficace, nous déplorons que la pression sur la baisse des dépenses publiques ait un impact sur l’essor de la recherche d’une part et sur l’avenir des soins d’autre part.
Pour mémoire, voilà plus de dix ans maintenant, les services des urgences étaient décriés ; il fallait les regrouper afin de les rendre plus efficaces. Ces regroupements étaient censés améliorer la prise en charge des patients se présentant aux urgences en diminuant significativement l’attente aux urgences. Est-ce qu’aujourd’hui ladite « réforme » d’hier a diminué l’attente des urgences ? Non, bien au contraire, les délais d’attente n’ont cessé de s’allonger.
Votre décision récente d’investir 2 milliards d’€ pour moderniser les hôpitaux de l’AP-HP nous interroge à plus d’un titre. Nous espérons que l’argent des contribuables parisiens ne sera pas utilisé à accélérer la mise en œuvre de la loi HPST (dite loi Bachelot).
Après les débats qui viennent d’avoir lieu au conseil de Paris du 10 mai 2010 sur le plan stratégique de l’AP-HP, la nécessité pour les élus est de pousser plus loin les réflexions sur la santé dans sa globalité à Paris.
L’action immédiate est d’agir sur les EPRD (Etat Prévisionnel des Recettes et des Dépenses) définissant le budget de l'établissement. Ceux-ci sont régulièrement votés par les élus parisiens, les administrateurs des établissements : ces EPRD valident des réductions de moyens, donc des baisses d'effectifs et de qualifications, ce qui amènent les établissements à "restructurer" et diminuer les prestations aux usagers ! Nous vous demandons de ne plus valider les restrictions, pour stopper les orientations désastreuses décidées par ce gouvernement.
Monsieur le Maire, vous n’êtes pas sans connaître la lettre de cadrage du Directeur général de l’AP- HP, relative à la campagne budgétaire 2010 des groupes hospitaliers, avec la répartition de l’effort d’efficience déclinée dans tous les hôpitaux de l’AP- HP.
En clair, celle ci exige la suppression de 974,7 postes temps plein dont un nombre significatif de services entiers de psychiatrie alors même que les personnels de l’AP-HP sont mobilises dans l’unité avec leurs syndicats depuis juillet 2008 contre le regroupement des 37 hôpitaux en 12 territoires de santé. La même orientation étant pressentie pour les hôpitaux psychiatriques de 0 5 à 03, là aussi les syndicats agissent contre ces décisions scandaleuses. Dans le même temps, les luttes s’amplifient dans les établissements privés à but lucratif et non lucratif soumis à loi du marché.
Au regard de ce qui se passe dans les établissements de santé publics ou privés, la CGT ne comprend pas le positionnement de certains élus de gauche au CA de l’AP-HP du 3 juillet 2009. Cette position décisive conditionne les politiques mises en œuvre dans les hôpitaux, les cliniques, les centres de santé, les dispensaires et les maisons de retraites médicalisées.
Pour la CGT, la priorité en matière de soins consiste à donner les moyens à toutes les structures afin de répondre aux besoins de santé. A ce propos il est évident que ni la T2A (tarification à l’activité) ni la VAP (valorisation de l’activité en psychiatrie) ne sont des outils comptables permettant ce développement. A titre d’exemples :
Est-il normal, Monsieur le Maire de Paris, qu’un patient, atteint d’un cancer, attende plusieurs mois avant d’être opéré tant les délais d’attente sont longs ?
- Est-il normal, Monsieur le Maire de Paris, que l’on envoie des patients parisiens dialysés en banlieue, dans le secteur privé, alors qu’il y a des places vides dans le secteur PSPH (participant au service public hospitalier) ?
- Est-il normal, Monsieur le Maire de Paris, d’avoir des délais d’attente trop longs (plus d’un mois en psychiatrie adulte, largement plus de 6 mois en pédopsychiatrie) pour obtenir un premier rendez vous, ceux-ci étant trop distendus dans le temps pour permettre un vrai travail psychothérapique ?
- Est-il normal, Monsieur le Maire de Paris qu’un patient suivi à l’hôpital public soit dirigé systématiquement pour des examens complémentaires, particulièrement en imagerie, vers les structures privées où l’avance des examens représente un « luxe » pour un nombre non négligeable de patients ; et dont les franchises médicales accentuent encore les inégalités sociales ?
- Est-il normal, Monsieur le Maire de Paris, que les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous de consultation soient si longs dans les hôpitaux publics et PSPH ? Ne pensez-vous pas que les regroupements tous azimuts, à l’instar des urgences, vont accroître les dysfonctionnements ?
- Est-il normal Monsieur le Maire de Paris, de remettre en cause la sectorisation de la psychiatrie ? Quand on sait que l’acceptation du soin, dans ces types de pathologies, est difficile à obtenir et que l’éloignement du lieu de soins aura, inéluctablement, pour conséquence de fragiliser davantage un secteur qui souffre déjà fortement du manque de moyens.
- Enfin, Monsieur le Marie de Paris, ne pensez-vous pas que des « usines » à soins soient incompatibles avec les besoins de soins des citoyens, et ce particulièrement pour les patients relevant de la gériatrie et de la psychiatrie ?
Certes la médecine de hautes spécialités doit se développer, pour autant les moyens qui doivent lui être attribués ne peuvent être imputés sur la médecine de proximité, elle aussi si nécessaire. Ce dans un contexte, malheureusement, de paupérisation, d’une partie de plus en plus importante, de la population.
Pour la CGT les deniers publics doivent être utilisés à bon escient ; il faut éviter les gabegies, mais la CGT n’acceptera jamais une politique de rationnement des soins sous couvert d’une politique de rentabilisation des soins, décidée par l’Europe en 1992 (Maastricht) et mis en œuvre depuis, par les gouvernements qui se sont succédés !
C’est dans cet esprit que nous avons sollicité un entretien avec vous en date du 4 mai 2010 sans réponse à ce jour.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire de Paris, l’expression de nos salutations distinguées.
Pour l’Union des Syndicats CGT de Paris
Le secrétaire général
Patrick Picard