LUTTONS plus que jamais contre l’islamophobie !
Le Prophète Muhammad a été attaqué dès le début de la Révélation. Il nous faut définir tout de suite la conception islamique de l’islam qui diffère de la conception chrétienne, où la religion (ou la religiosité) n’est dentifiée ni par un prophète, ni par une règle. L’islam se présente comme un acte de foi ; c’est la reconnaissance d’une adhésion consciente à l’Être suprême.
Pour les musulman-e-s, appréhender la dimension du Transcendant signifie se libérer de toute manifestation du contingent. On retrouve ainsi l’idée de la reconnaissance de l’Unique pour se libérer de tout ce qui relève des contingences de la vie ; reconnaître ce qu’Il est, c’est se libérer de toute soumission à ce qu’Il a créé : influences des être humains, modes, tensions personnelles, émotionnelles ou matérielles. L’islam se définit donc par cet état de reconnaissance.
Quand, au XVIIIèmesiècle, certains penseurs comme Montesquieu ou Voltaire commencent à s’intéresser à la question de l’islam, on les entend parler de « mahométans ». Cette appellation en soi est une grave erreur car elle fait référence, par analogie, à ce que l’on connaît pour le christianisme et le Christ. Or, dans la tradition musulmane, on se réclame d’un acte de reconnaissance du Créateur de tous les hommes, et non pas d’un être humain, même s’il est le modèle des musulmans, même s’il est celui qui va leur permettre de se rapprocher de Dieu. C’est un aspect fondamental, car ici le rapport du Créateur à sa Création est déplacé et se différencie de la conception chrétienne.
Certes, ces aspects peuvent paraître secondaires, voire des évidences, mais il faut savoir les dire dans un contexte qui a en quelque sorte enraciné dans l’inconscient collectif des représentations faussées qui remontent au Moyen Âge.
L’islam étant la dernière des religions, il ne pouvait manquer de susciter un courant d’hostilité qui, au cours de l’histoire, a revêtu des formes diverses : la force armée avec les expéditions militaires, les attaques par l’écriture, une législation ressentie comme agressive et discriminanteet enfin, les blasphèmes.
L’islam est d’abord attaqué par l’épée. Les Croisades débutent en 1095 pour se dérouler sur trois siècles, avec l’objectif de chasser les musulmans de la ville de Jérusalem. L’islam sort finalement renforcé de cette épreuve, avec la constitution de l’Empire ottoman qui va embrasser le Proche-Orient, l’Europe des Balkans, l’Afrique du Nord et une bonne partie de l’Europe de l’Est.
L’islam est ensuite attaqué par la plume, avec des écrits comme « la Chanson de Roland » (l’auteur représente l’islam comme le grand ennemi de la chrétienté), « la divine Comédie » de Dante. Dans la croisade intellectuelle qui se poursuit, des figures de la littérature se distinguent. Citons en vrac Pascal (dans ses pensées, on trouve le chapitre : « contre Mahomet »), Voltaire (avec son « le Fanatisme ou Mahomet le Prophète »), Salman Rushdie et les fameux « Versets sataniques », Michel Onfray pour qui « l’islam est un problème », etc.
La législation va même être utilisée contre l’islam. En France, c’est la loi de 2004, appelée pudiquement « loi encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics », qui interdit de facto le port du voile islamique, dénoncé comme symbole d’oppression, de soumission, de manque de respect à l’égard de la femme. C’est ainsi que de jeunes musulmanes qui se couvraient la tête ont été exclues de leurs écoles alors que certaines de leurs camarades y sont toujours admises avec des tenues dénudant le nombril. Comment peut-on imaginer que l’imposition du dévoilement pour rester scolarisée puisse se dérouler sans provoquer un sentiment de négation, de mépris et d’humiliation alors que, dans la plupart des établissements, les petites croix portées en pendentifs sont tolérées (car hypocritement considérées comme « non ostentatoires ») ? Les témoignages présents dans le livre « les Filles voilées parlent », paru en 2008, sont significatifs.
Les derniers dérapages de Charlie hebdo ont constitué en quelque sorte la cerise sur le gâteau. Olivier Cyran (qui a travaillé de 1992 à 2001 à la direction de l’hebdomadaire satirique) n’y va pas par quatre chemins. « Le pilonnage obsessionnel des musulmans auquel Charlie hebdo se livre depuis une grosse dizaine d’années a des effets tout à fait concrets. Il a puissamment contribué à répandre dans l’opinion « de gauche » l’idée que l’islam est un « problème » majeur de la société française. Que rabaisser les musulmans n’est plus un privilège de l’extrême-droite », mais un droit à l’impertinence sanctifié par la laïcité, la république, le « vivre ensemble ». Et même, ne soyons pas pingres sur les alibis, par les femmes – étant largement admis aujourd’hui que l’exclusion d’une gamine voilée relève non d’une discrimination stupide, mais d’un féminisme de bon aloi consistant à s’acharner sur celle que l’on prétend libérer. Drapés dans ces nobles intentions qui flattent leur ignorance et les exonèrent de tout scrupule, voilà que des gens qui nous étaient proches et que l’on croyait sains d’esprit se mettent brusquement à débonder des crétineries racistes. À chacun ses références : la Journée de la Jupe, Elisabeth Badinter, Alain Finkielkraut, Caroline Fourest, Pascal Bruckner, Manuel Valls, Marine Le Pen ou combien d’autres, il y en a pour tous les goûts et toutes les « sensibilités ». Mais il est rare que Charlie hebdo ne soit pas cité à l’appui de la règle d’or qui autorise à dégueuler sur les musulmans. […] Ils ne manquent jamais de se récrier quand on les chope en flag : mais enfin, on a bien le droit de se moquer des religions ! Pas d’amalgame entre la critique légitime de l’islam et le racisme anti-arabes ! ». Olivier Cyran a écrit ce texte en décembre 2013, soit à peine plus d’un an avant l’attentat qui a décimé la direction de Charlie hebdo.
Bien entendu, on n’aura pas échappé à une récupération politique de cette affaire. Les débats médiatiques et politiques n’ont eu de cesse de stigmatiser ces dernières années les musulmans en les amalgamant fréquemment à l’intégrisme, au djihadisme, au terrorisme, etc. Pourtant, les frères Kouachi et Coulibaly ne sont pas la production d’un produit étranger ou d’un certain islam (toutes les explications exclusives à une communauté sont inévitablement racistes). Ils sont au contraire le résultat des carences, des inégalités, des humiliations et des contradictions de la société française. Alors qu’un arsenal juridique impressionnant forme le dispositif français de lutte contre l’antisémitisme, alors que les formations de la droite extrême ont remplacé celui-ci par l’islamophobie, alors que les grands partis de droite et de gauche laissent régulièrement percer leur haine de l’islam et défendent les mesures prises par l’État (au nom de la laïcité ou de la défense des femmes), ce racisme ne rencontre pas la riposte qu’il mérite.
Capitaine Martin