Présidentielle 2012 : une petite réflexion d'un militant communiste
Le texte ci-dessous m’a été adressé par un lecteur fidèle d’EL DIABLO en commentaire d’un article.
Je le publie ici en « tribune libre » : qu’il puisse être commenté par les lecteurs !
Une petite réflexion d'un militant communiste sur ce qui préoccupe nombre d'entre nous en ce moment : peut-on voter « Front de Gauche » aux présidentielles ?
A titre personnel, je voterai « Front de Gauche » au premier tour sans remords ni état d'âme.
Je lis, ici ou là, que ce serait déchoir pour un militant révolutionnaire que de voter « Front de Gauche ». Qui voudra bien m'expliquer pourquoi ?
La question de base est : pourquoi militons-nous ? Personnellement et modestement, que ce soit en tant que militant syndical ou politique, mon but a toujours été, et demeure, l'amélioration des conditions d'existence de ceux qui vivent de la vente de leur force de travail.
Si j'ai choisi la voie qui mène au communisme, c'est simplement parce que c'est la seule qui me semble offrir la garantie que ces améliorations seront durables et pourront s'approfondir au fur et à mesure des avancées de la science.
De cela découle ceci : mon but n'est pas d'instaurer une société communiste, mais l'instauration d'une société communiste m'apparait aujourd'hui comme le seul moyen d'assurer le développement de toutes les capacités de l'homme en harmonie avec la nature dans laquelle il vit.
Un militant socialiste russe, d'avant Marx (Tchernycheveski) disait déjà : « l'action politique, ce n'est pas un trottoir de la perspective Nevski », c'est à dire qu'il ne s'agit pas d'une belle route bien droite, toute tracée et sans embûches. Au contraire, les chausse-trappes ne manquent pas sur la voie menant au communisme. Une des premières et des plus graves pour un militant révolutionnaire est de prendre ses désirs pour la réalité, et notamment ne pas mesurer le niveau réel de combativité des masses auxquelles il s'adresse. Ce niveau de combativité est nécessairement précédé par le niveau de compréhension, par ces masses, de la réalité économique et politique dans laquelle elles évoluent.
Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, dans notre pays, pouvons-nous prétendre que ce niveau est prérévolutionnaire ? Doit-on attendre qu'il le devienne ou doit-on agir pour qu'il le devienne ? A l'évidence c'est la deuxième partie de cette alternative qui me semble être la bonne. Donc, comment faire pour que les choses évoluent dans le bon sens ?
Je considère le vote « Front de Gauche » comme le seul moyen actuellement à notre disposition pour aller dans ce sens. Dans un premier temps, il permet, si le résultat est bon, de montrer qu'il existe encore dans ce pays un nombre important de gens qui veulent que les choses changent et qui sont prêts à sa mobiliser pour cela.
Le programme du « Front de Gauche » ne va pas assez loin ? La belle affaire ! Combien y-a-t-il de chances pour que Mélenchon soit élu et qu'il mette ce programme en application. Donc, le contenu insuffisant du programme n'est pas la question de l'heure. Mais, on peut se servir de ce programme pour dire : oui, une autre politique est possible, battons-nous ensemble pour y arriver !
Yvon Chotard, vice-président du CNPF (ancêtre du MEDEF) déclarait en son temps « on ne gouverne pas la France de la même façon quand le PCF fait 10 % ou 20 % des voix aux élections. Disant cela, il mettait en avant ce que le PCF (c'est à dire le courant révolutionnaire) représentait comme potentiel de « nuisance » dans l'application d'une politique conforme aux intérêts du capital.
Ce qui reste de ce courant, que cela me plaise ou non, est aujourd'hui incarné dans cette élection par le « Front de Gauche ». Ce n'est pas à lui que « je donne ma voix », c'est pour que ce courant retrouve une vigueur qu'il a perdue. Ce n'est pas la finalité, c'est le premier pas dans la reconquête nécessaire de l'influence du courant révolutionnaire dans notre société.
Je suis persuadé que de ce résultat, le mouvement communiste, s'il veut bien passer sur ses divisions internes et chercher ce qui l'unit, peut reconstruire une vraie perspective d'avenir.
Partir de ce qui nous unit en oubliant ce qui nous a divisés, avec comme seule motivation : le désir d'œuvrer pour le bien de la classe que nous prétendons représenter.
Lénine l'a dit : « rien (sinon la bêtise) n'interdit les accords, même avec les partis bourgeois, s'ils sont fait dans le but d'améliorer la conscience des masses ».
(voir le chapitre « jamais de compromis ? » Lénine, œuvres choisies, Moscou 1947, pages 734 à 744).
Conçu comme tel, le vote « Front de Gauche » est totalement compatible avec une doctrine "pure et dure" du léninisme.
C'est un outil et, comme avec tous les outils, le résultat obtenu ne dépend que de celui qui l'utilise.
Bien entendu, comme le dit Diablo : « ce texte n'engage que son auteur et "publication ne vaut pas approbation »...
Fraternellement.
Serge des bois