PRODUIRE FRANÇAIS: Marchais avait RAISON
MARCHAIS AVAIT RAISON
Plus de trente ans après, les dégâts sont là, le produire français était considéré comme ringard et les canards boiteux de la sidérurgie devait faire place nette au marché comme le disait Raymond Barre.
Aujourd'hui, certains de ceux qui s'étaient moqué de Georges Marchais parlent de produire français: oui il faut produire français, il faut pour parler avec d'autres pays encore avoir une industrie forte et défendre nos positions et cela passe par des nationalisations démocratiques, notamment de nos banques.
Marchais a eu le tort d'avoir raison le premier et en même temps d'être critiqué par des dirigeants communistes de l'époque qui ont affaibli ce parti et pour certains l'ont quitté pour navigué dans les eaux troubles de « l'Europe du capital » expression qu'employait à juste raison Marchais.
Bernard L.
Extraits de « L’espoir au présent »,
Georges Marchais,
1980, Editions Sociales,
page 151 et suivantes
Produire français
C’est une illusion de croire qu’on peut parvenir à une grande industrie française en la spécialisant à outrance sur un nombre limité de « créneaux ». Comment, par exemple, prétendre à la maîtrise de la fabrication de certains articles textiles ou mécaniques si nous devons importer d’Allemagne fédérale les machines qui permettent de les fabriquer ? Comment envisager de prendre une place importante dans les échanges internationaux de matériels électroniques si nous sommes asservis à la technologie américaine ? Il faut donc reconstituer l’industrie française sur des bases nationales en accordant son développement à l’expansion du marché intérieur des biens de consommations, des biens intermédiaires et des biens d’équipement.
Cette politique est indispensable pour lever la contrainte extérieure réelle qui pèse sur l’économie française. Je veux parler de l’état de dépendance dans lequel nous place une politique giscardienne qui tient en quelques mots : le « tout à l’exportation », les investissements étrangers en France, l’américanisation de notre technologie, l’intégration européenne et atlantique.
Ce que je propose ne veut pas dire que la France doive produire sur son territoire national tout ce dont les Français et notre économie ont besoin. Mais aujourd’hui, du fait de nos assujettissements à l’étranger, toute relance du marché intérieur tend à provoquer un afflux d’importation de biens de consommation et surtout de biens d’équipement. C’est inacceptable. Il faut donc renforcer les capacités de production dans les secteurs où nous sommes le plus vulnérables pour pouvoir diminuer les importations.
Mais, au-delà de ces préoccupations tenant à la dépendance de la France à l’égard de l’étranger, le développement des capacités de production française répond avant tout à la nécessité de satisfaire les besoins de notre population et de notre pays. Si on fait des comparaisons internationales de consommation par tête, on s’aperçoit que les Français ne sont pas de gros consommateurs pour la plupart des biens. De même, notre appareil productif national n’est pas – et de loin – l’un des plus gros consommateurs de ciment, d’engrais, de plastique d’acier, etc. Rien ne justifie donc le freinage actuel des investissements privés et à plus forte raison la casse à laquelle se livrent les capitalistes français. Quant aux besoins dans le bâtiment et les travaux publics, la pénurie de logements sociaux, d’équipements collectifs et d’infrastructures de toute nature dit assez que la production française est bien loin du compte.
Il faut donc prendre en compte l’ensemble des demandes qui résultent du redressement de productions trop dépendantes de l’étranger et de productions inférieures au niveau des besoins du pays : c’est la base principale d’une politique industrielle dynamique et authentiquement nationale.
Cela signifie-t-il l’autarcie ? Absolument pas. Nous ne fixons à l’avance aucune limite à nos échanges extérieurs, dès lors que les conditions d’un développement des bases productives situées sur le territoire français constituent un ensemble cohérent, solide et efficace. Je pense même que c’est la meilleure façon de se donner les moyens d’une coopération extérieure diversifiée. Pour jouer un rôle, il faut « faire le poids ». Cela n’est pas contradictoire avec la nécessité de défendre les productions nationales, en recourant, s’il le faut, à des mesures de sauvegarde.
Produire, français, c’est cela !
Renforcer nos capacités de production
Toutes les grandes branches doivent être développées en France et leur essor doit être coordonné en accordant une attention particulière aux filières majeures de l’agro-alimentaire et de l’exploitation des ressources naturelles (bois, mer, minéraux), de l’énergie, de la métallurgie et des biens d’équipement, de l’électromécanique et de l’électronique, de l’aérospatiale, de la chimie, des véhicules et des transports, du bâtiment et des travaux publics.
Ce développement national cohérent ne peut être réalisé à l’initiative des capitalistes. Une politique industrielle ne peut être mise en œuvre sans ces réformes de structures dont j’ai parlé dans un précédent chapitre : les nationalisations et la planification démocratique.
J’ai parlé, par exemple, de nationaliser la sidérurgie. La France a besoin d’une puissante industrie sidérurgique diversifiée sur une large gamme de produits, exploitant en priorité les minerais de fer et le charbon à coke nationaux et débouchant sur des activités métallurgiques de transformation. Pour parvenir à la maîtrise nationale d’ensemble de ces travaux associés, à l’évidence, il faut réaliser une véritable nationalisation du secteur.
De même, l’indépendance nationale implique la maîtrise des principales industries de pointe. La France a déjà de bonnes positions dans le nucléaire, l’aérospatiale et certains secteurs de l’électronique. Ainsi est-elle bien placée en matière de télécommunications et dans de multiples activités de l’informatique, ce qui représente des points forts dans un monde où vont se poser de plus en plus des problèmes de communication, de liaison, d’automation. Mais c’est une illusion de penser que la Nation pourra en tirer parti sans rompre avec la domination américaine, sans se donner les moyens d’imposer l’intérêt national contre les intérêts particuliers.
Le rôle du secteur public est donc appelé à croître. Dès aujourd’hui, ce sont les entreprises publiques qui empêchent la conjoncture économique de s’effondrer et l’appareil productif de trop vieillir en assurant l’essentiel de la croissance des investissements. Elles assument également des fonctions déterminantes aussi bien dans les échanges extérieurs que dans l’effort de recherche et de développement. Le secteur public est l’outil décisif des transformations structurelles nécessaires. Son élargissement par de nouvelles nationalisations et sa démocratisation sont donc à l’ordre du jour.
D’autres moyens doivent être mis en œuvre pour renforcer les capacités de production en France. Il s’agit en particulier, des marchés publics dont les modalités sont, aujourd’hui, soumises à un petit nombre de fournisseurs capitalistes. L’ensemble du système d’aides doit être redéployé pour mieux servir les objectifs nationaux d’emploi, de modernisation, d’innovation, de coopération internationale, de développement régional.
Produire français, c’est aussi cela ! …