Québec : « Printemps érable »
«Vive le Québec libre!» avait lancé De Gaulle, le 24 juillet 1967, à Montréal, lors d’une visite officielle. Une déclaration qui reprenait à l’époque, mot pour mot, le slogan des indépendantistes et qui allait entraîner l’une des plus graves crises diplomatiques entre le Canada et la France. Près d’un demi-siècle plus tard, on aurait envie de crier «Vive le Québec libéré!». Libéré d’une société ultralibérale à son tour rattrapée par la crise et qui impose aux étudiants une augmentation des tarifs d’inscriptions en faculté de 75 %.
La sélection par l’argent trouve ici ses limites et depuis une centaine de jours, les jeunes sont dans la rue. Ce pays qui n’avait pas encore connu le mouvement des Indignés serait-il d’un seul coup confronté à l’impensable: une rébellion de jeunes?
Dans cette contrée qui fait encore rêver et qui accueille chaque année des migrants par milliers, le réveil «soixante-huitard» est surprenant, mais légitime.
Il s’est amplifié et radicalisé quand le gouvernement a remis en cause violemment le droit de manifester qui reste, quel que soit le régime politique, un droit fondamental.
Les jeunes avaient été à l’origine du «printemps arabe». Les voici à la source du «printemps érable». A priori, rien ne peut rapprocher les deux événements si ce n’est qu’il s’agit de leur avenir et que c’est après un long silence que l’explosion est percutante.
A Montréal, la colère étudiante se transforme en mouvement social sans doute parce que les fondements de la société libérale posent question, surtout quand l’absence de syndicats, souvent remplacés par une abondance d’associations, ne permet pas d’identifier les éventuels interlocuteurs pour sortir de la crise. L’exemple de la vieille Europe pourrait inspirer le Québec.
Thierry SPRIET
Editorial de L’ECHO
Vendredi 25 Mai 2012