Sanctions contre la RUSSIE: division chez les leaders EUROPÉENS
Le chancelier autrichien Werner Faymann a déclaré hier que les pays européens n'avaient aucun intérêt à voir s'effondrer l'économie russe et qu'il ne partageait pas, à titre personnel, cette "euphorie du succès des sanctions contre la Russie", écrit lundi le quotidien Kommersant. D'autres hommes politiques européens ont récemment soutenu cette position au sujet des sanctions, qui divisent toujours l'Union européenne (UE). Les pays-membres devront trouver un consensus d'ici mars 2015, date à laquelle un éventuel prolongement des mesures sera décidé.
Le chancelier autrichien Werner Faymann a sévèrement critiqué ce renforcement potentiel des sanctions contre la Russie dans une interview publiée dimanche dans le quotidien Osterreich:
"Je ne peux pas partager cette euphorie du succès des sanctions contre la Russie, qui touche de nombreux Européens. Je ne vois aucune raison de s'enthousiasmer et ne comprends pas pourquoi un effondrement de l'économie russe devrait nous réjouir". Et d'ajouter: "Quand on construit nouveau mur isolant l'économie russe, on scie la branche sur laquelle on est assis". Par ailleurs, il affirme avoir récemment évoqué les perspectives de résolution de la crise avec le président russe Vladimir Poutine. Malgré ces retenues, il considère que les sanctions déjà en vigueur sont justes, rappelant qu'elles ont été prises en tant que mesure de riposte.
D'autres hommes politiques européens ont récemment partagé des opinions similaires: les ministres des Affaires étrangères allemand et danois, Frank-Walter Steinmeier et Martin Lidegaard, s'inquiètent également d'une déstabilisation de la Russie. "L'Europe doit répondre sévèrement aux événements inacceptables, comme ceux qui se déroulent en Ukraine, a déclaré le premier ministre italien Matteo Renzi. Mais la Russie a une importance stratégique pour l'Italie et toute l'Europe. Il nous faut trouver des points communs car mettre ce pays à genoux ne bénéficie, aujourd'hui, à personne".
Quoi qu'il en soit, cette question divise toujours les pays-membres. "Des partisans de mesures radicales - pas seulement aux États-Unis - exigent même l'entrée de l'Ukraine à l'Otan", a indiqué hier au Tagesspiegel Sigmar Gabriel, vice-chancelier allemand et chef du Parti social-démocrate. Lors du sommet de l'UE en fin de semaine dernière, l'adoption de nouvelles sanctions contre la Crimée - que les Européens considèrent comme une partie du territoire ukrainien - a illustré parfaitement ces propos. L'ordre du jour de cette rencontre n'a même pas prévu une révision des sanctions contre la Russie. "Nous devons conserver les mesures actuelles jusqu'au changement d'attitude de la Russie et l'arrêt de son agression en Ukraine", a fait remarquer le premier ministre britannique David Cameron.
"Les propos des leaders italien et autrichien constituent non seulement une partie de leur rhétorique traditionnelle prorusse ou antirusse, mais aussi une conséquence rationnelle de leurs intérêts économiques à long terme, estime Sergueï Outkine, chef du département d'évaluations stratégiques du Centre d'analyse des situations auprès de l'Académie russe des sciences. Limiter l'activité des acteurs économiques du pays est une chose, mais laisser s'effondrer l'économie et le marché russes - bien que les sanctions ne soient pas la seul raison de cette situation - est tout à fait différent."
Les premiers résultats de ce litige devraient être connus en mars prochain, quand les pays-membres de l'UE décideront d'une prolongation éventuelle des sanctions. Selon Sergueï Outkine, il ne s'agirait pas d'une scission au sein de l'UE mais "d'un avantage en faveur des partisans d'une réponse plus dure ou plus souple envers la Russie".
"La pression des sanctions dépend des événements à l'est de l'Ukraine, rappelle l'expert. Et bien que certains pays montrent depuis longtemps une approche plus nuancée, toutes les sanctions ont été adoptées par consensus". Une source européenne explique que les pays-membres ont déjà un plan d'action pour le scénario négatif, mais le renforcement des sanctions économiques n'est à l'ordre du jour qu'en cas "d'aggravation de la situation ou de changement de frontières géographiques".