Une CGT de classe, de masse, démocratique, unitaire et indépendante [ Henri Krasucki - Janvier 1992]
En 1992, Henri Krasucki va quitter ses fonctions de Secrétaire Général de la CGT. Devant le 44ème congrès son organisation, il fait part de ses réflexions sur la lutte des classes, l'union, la façon de se comporter dans le mouvement syndical. Moment d'histoire ou source de réflexion pour traverser les turbulences actuelles du syndicat? Au lecteur de se faire une opinion.
Vous lirez, ci-dessous, un extrait de ce discours. Henri Krasucki y parle de la lutte des classes, du syndicalisme de classe, de la conscience de classe.
La totalité du discours est téléchargeable au bas de la page.
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.....Nous (y) insistions sur le caractère absolument indissociable des caractéristiques qui ensemble définissent la CGT. Je les rappelle sans qu'il soit nécessaire de les répéter constamment comme une litanie dès lors que l'on maîtrise bien le sujet. Elle est tout à la fois : de classe, de masse, démocratique, unitaire, indépendante.
Je me permets de reprendre une analogie qui m'est familière. On apprend à l'école la composition chimique des corps. Si l'on retire ou ajoute un seul de ses éléments constitutifs on change la nature du corps.
Il en est de même pour la CGT : si l'on retire une seule de ses caractéristiques fondamentales ce n'est plus la CGT, c'est une autre organisation. C'est valable en tout temps et pourtant ce n'est pas intemporel.
À chaque époque en fonction de l'évolution des conditions générales des mentalités il faut les pratiquer de la façon appropriée. Il est bien vrai qu'au cours de tout ce siècle la CGT a su s'adapter à plusieurs reprises aux mutations que le monde du travail a connues et ce n'est pas son moindre mérite. Toutefois les mutations auxquelles nous avons affaire face à notre époque sont d'une tout autre dimension et elles appellent des adaptations, des transformations beaucoup plus nombreuses et profondes. Il reste que la question qui se pose est toujours: qu'est-ce que le syndicalisme CGT de notre temps? Et par conséquent : qu'est-ce que son syndicalisme de classe, qu'est-ce qu'être de masse etc., dans les conditions d'aujourd'hui. Non pour y renoncer, surtout pas! Mais pour le faire bien en conjuguant toutes ces caractéristiques bien adaptées.
Par exemple, l'une des questions particulièrement discutées : le caractère de classe de la CGT et la perception qu'en ont les salariés. Il est bien vrai que nous n'avons inventé ni les classes sociales ni la lutte de classe. C'est tout simplement les réalités des rapports sociaux de la société dans laquelle nous vivons et qui est le capitalisme. A son niveau quotidien c'est l'achat et la vente de la force de travail: l'employeur use de tous les moyens pour la payer le moins cher et le salarié s'efforce au contraire d'en obtenir le meilleur prix.
Il y a là une opposition fondamentale d'intérêt par nature. Ce qui rassemble les salariés dans le syndicat et la fonction première, élémentaire de l'action syndicale c'est cela. (...) Par conséquent le caractère de classe de la CGT n'est pas un choix subjectif, idéologique, c'est le constat d'une réalité. S'ils ne luttaient pas les salariés seraient écrasés. Comme nous le savons et nous l'assumons.
Mais la perception qu'en ont les salariés est très diverse. Seule une partie d'entre eux en ont une conscience très nette. Il n'y pas que nos adversaires qui affirment que c'est une invention archaïque de la CGT. Beaucoup d'honnêtes gens le croient de bonne foi et ont pourtant de la sympathie pour la CGT. Avec les mutations considérables du salariat la perception de la réalité est encore plus diversifiée. Le cheminement vers une claire conscience de classe est beaucoup plus complexe qu'autrefois.
Cela n'empêche évidemment pas la réalité d'exister et ne peut modifier le caractère de classe de la CGT. Mais cela nous impose de prendre en compte cette difficulté pour favoriser l'évolution des consciences. Aucun salarié n'est condamné à ne jamais comprendre la réalité des rapports sociaux qui commandent sa vie. Mais cela ne peut se résoudre par des slogans assenés. Il ne suffit pas d'avoir raison — ce qui est le cas en l'occurrence bien que nous ne prétendions pas avoir raison en tout —, il faut convaincre. Et l'on ne peut convaincre que si l'on comprend son interlocuteur, donc si on l'écoute, si on apprend quelque chose de lui ; ne serait-ce que ses raisons, et si l'on dialogue.
Les choses vont encore beaucoup mieux si le dialogue se fait dans la vie concrète donc dans la lutte.
Henri Krasucki
Secrétaire Général de la CGT (1982-1992)
Le texte intégral du discours d'Henri Krasucki est ICI