LA SITUATION PARADOXALE DES SYNDICATS : entre affaiblissement et mobilisations
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Par Sophie Béroud et Jérôme Pélisse
La séquence de mobilisation sociale qui s’est déroulée en France entre la mi-janvier et début juin 2023 a placé les syndicats en pleine lumière : en capacité d’organiser quatorze journées d’action nationales, ces derniers sont apparus comme les porte-paroles légitimes d’une profonde colère émanant du monde du travail. Alors que le paysage syndical est particulièrement fragmenté, ils ont réussi à maintenir tout au long du mouvement un cadre de décision unitaire, soit une intersyndicale solide à huit organisations, déjouant de la sorte les tentatives de division menées par le gouvernement. S’opposant en bloc au report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite (de 62 à 64 ans), ils sont également parvenus à ne pas se laisser enfer- mer dans une posture uniquement défensive, contribuant à éclairer les contradictions et les non-dits du projet gouvernemental et inscrivant dans le débat public la question des conditions et de l’intensité du travail, en particulier pour les composantes ouvrières et employées les plus exposées aux emplois précaires, aux conditions de travail difficiles et à des espérances de vie en bonne santé les moins longues. On pourrait donc penser, au regard de ces quelques éléments, que les syndicats sont bel et bien de retour au centre de la contestation sociale, alors même qu’ils étaient donnés comme dépassés quelques années auparavant, à l’automne 2018, lorsque les Gilets jaunes parlaient sans eux du peu de valorisation du travail, de budgets familiaux fortement contraints y compris chez les actifs en emploi tout au long de l’année ou encore de l’usure des corps au travail1.
Cependant, cette lecture très valorisante de la capacité d’action retrouvée des syndicats mérite d’être nuancée et surtout complexifiée. D’une part, car le fait que les syndicats français, ou dans certaines configurations une partie d’entre eux, parviennent à construire des mouvements sociaux inter- professionnels qui dépassent largement le cercle de leurs adhérents et même de leurs sympathisants n’est pas nouveau.
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