Au GRAND JOUR, tous les chats ne sont pas gris [éditorial de la « TRIBUNE des TRAVAILLEURS » du mercredi 13 avril 2016]
Si l’on en croit la presse, plusieurs ministres du gouvernement Hollande-Valls se sont mêlés ces derniers temps aux participants des « Nuits debout », place de la République à Paris. Sont cités Axelle Lemaire et les collaborateurs de Patrick Kanner, de Ségolène Royal, et même… de Myriam El Khomri. Les unset les autres ne tarissent pas d’éloges sur la liberté de ton des échanges…
Bien sûr, certains sont pour le retrait de la réforme El Khomri, et d’autres sont partisans de cette réforme, certains avec le gouvernement, et d’autres… Mais la nuit, tous les chats sont gris, doivent se dire nos ministres déambulant incognito place de la République.
Depuis quelques jours se multiplient ainsi les tentatives de brouiller les cartes : le gouvernement aurait amorcé un recul, il céderait aux revendications de la jeunesse, la réforme El Khomri serait en partie vidée de son contenu. En un mot : il n’y aurait plus matière à se mobiliser pour son retrait. Mais ce message ne passe pas dans les rangs de la classe ouvrière
Le président du Medef le sait et déclare qu’il ne veut pas d’une société où il y a « des syndicats à tous les étages ». Il martèle : « Tant qu’on aura des syndicats comme la CGT et FO, politisés et obnubilés par la lutte de classe, on ne s’en sortira pas. » Reconnaissons à Gattaz une certaine cohérence.
Car qu’est-ce que la réforme El Khomri ? C’est la destruction du Code du travail qui rassemble les droits collectifs de la classe ouvrière, c’est l’individualisation jusqu’au bout (c’est pourquoi le gouvernement écrit que « le CPA est la mesure phare de sa réforme »). La logique de l’individualisation de tous les droits ouvriers, c’est de rendre inutile, obsolète, dépassée, voire même dangereuse, l’existence d’organisations syndicales. Car celles-ci, précisément, ont été construites par la classe ouvrière pour arracher puis défendre ses droits collectifs.
Il est donc logique que, partisan du CPA et du démantèlement du Code du travail, Gattaz se prononce pour la disparition des syndicats fondés sur la lutte de classe.
Mais qu’est-ce qu’un régime politique où les syndicats fondés sur la lutte de classe n’ont plus leur place et où seuls sont tolérés les syndicats intégrés à l’Etat ? Un tel régime porte un nom : dictature corporatiste.
Les propos de Gattaz ont le mérite de nous rappeler qu’au grand jour, tous les chats ne sont pas gris. Il y a des classes sociales qui s’affrontent dans une lutte de classe au grand jour. Les organisations ouvrières dont l’existence est mise en cause par le projet de loi El Khomri et le CPA peuvent-elles, sauf à se résigner à leur propre disparition, en tirer une autre conclusion que : se préparer dès maintenant à la grève jusqu’au retrait et appeler les travailleurs à s’y préparer ?
Il s’agit d’imposer le retrait de la réforme El Khomri. Au-delà, il s’agit de défendre, préserver et reconquérir la démocratie. Laquelle suppose que l’existence d’organisations ouvrières indépendantes ne soit pas remise en cause. Car il n’y a pas de démocratie sans reconnaissance de la lutte de classe.
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