Où est passée la gauche anti-CSG ?
Montebourg, Hamon, Mélenchon, Peillon et Macron veulent sauver la CSG
Alors qu’il faut la supprimer.
La Sécurité Sociale, ses prestations et son financement, semblent être au cœur de la campagne présidentielle et c’est tant mieux. Que la droite cherche à abattre la Sécu pour confier notre protection sociale au privé n’étonnera personne. Il est dommage en revanche que, parmi les candidats qui se réclament de la gauche, plus personne ne propose la suppression de la CSG.
Mélenchon et Hamon veulent la fusionner avec l’impôt sur le revenu, Montebourg veut la diminuer mais seulement pour les salaires inférieurs à 1,3 ou 1,5 SMIC (ce n’est pas encore très clair). Quand à Macron, il veut l’augmenter en lui faisant prendre la place de la cotisation chômage en plus de la cotisation maladie. Valls n’a pas encore dégainé mais gageons qu’il aura à cœur de préserver, voire d’étendre la CSG créée par Rocard son père spirituel.
D’où vient la CSG ?
La CSG a eu 25 ans en 2016. Personne n’a fêté son anniversaire. Il est pourtant utile de rappeler que cette “innovation” impopulaire a été adoptée au 49-3, comme les lois Macron et El Khomri, et votée au Sénat par moins de 25% des sénateurs en décembre 1990 (70 sur 316).
Les syndicats - sauf la CFDT - avaient fait campagne contre la CSG, ainsi que les communistes. Pour tenter d’empêcher le texte de passer à l’Assemblée, les députés PCF votèrent une motion de censure déposée par la droite. Le total des voix aurait dû permettre de renverser le gouvernement Rocard et d’enterrer le projet, mais quelques députés de droite ont “opportunément” oublié de voter ce jour-là. Juste assez pour que la motion échoue et que la CSG soit instaurée. Ce fut une grande défaite pour le monde du travail.
Où est passée la gauche anti-CSG ?
La gauche anti-CSG comprend le PCF mais aussi tous les militants - souvent des syndicalistes - non affiliés à un parti politique mais attachés aux principes fondateurs de la Sécurité Sociale, donc opposés par définition à la fiscalisation de son financement. Elle comprend aussi de nombreux retraités, malades, chômeurs, qui ne voient pas pourquoi ils doivent encore cotiser pour la maladie alors qu’ils cotisaient déjà lorsqu’ils travaillaient.
Il y a cinq ans le candidat Mélenchon, qui faisait partie en 1990 des 70 sénateurs PS ayant voté “oui” à l’instauration de ce nouvel impôt, avait fait un grand pas vers les opposants à la CSG en portant un programme où figurait le refus de la fiscalisation des cotisations sociales et explicitement la suppression de la CSG.
Il est d’autant plus regrettable que le même candidat Mélenchon - qui n’a plus besoin aujourd’hui du PCF et qui cherche désormais à conquérir les voix écologistes plutôt que celles des militants ouvriers - ait fait à nouveau volte-face en inscrivant dans son programme pour 2017 la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Il reprend ainsi une promesse (non tenue et en ce cas précis c’est tant mieux) de Hollande pour 2012. Pour 2017, le candidat à la candidature PS Hamon fait la même proposition. Il est à noter que la CGT, en toute cohérence, refuse toujours la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.
Loin de vouloir supprimer la CSG, Montebourg veut la diminuer seulement pour les salaires les plus bas. Le résultat serait une augmentation du salaire net pour les salariés concernés sans que leur salaire brut n’augmente. Cette proposition semble trouver son origine dans le programme du FN depuis 2012 : augmenter le salaire net sans augmenter le salaire brut. Il est extrêmement malsain de mélanger deux problèmes différents. Il faut augmenter les salaires, c’est absolument clair. D’une part le SMIC est si bas que la CAF doit compléter pour une personne seule travaillant à temps plein. Et d’autre part la moyenne des salaires nets s’est rapprochée du SMIC ces 15 dernières années. La proposition de Montebourg aurait d’ailleurs cet effet pervers qu’une augmentation du salaire brut au-delà du seuil se traduirait par une augmentation bien plus que proportionnelle de la CSG. Il est donc évident qu’une modulation de la CSG n’est pas la réponse appropriée à l’impératif absolu d’augmenter significativement la grande majorité des salaires en 2017.
Peillon veut rendre la CSG progressive, ce qui serait un des effets de la fusion CSG-Impôt sur le revenu. On ne peut qu’être frappé par la proximité des propositions de Mélenchon, Montebourg, Hamon et Peillon sur la CSG.
Macron, lui, veut aller plus loin que Rocard en remplaçant la cotisation chômage par 1,7 point de CSG supplémentaire. C’est-à-dire que les retraités, les malades et les chômeurs contribueraient non seulement au financement des prestations maladies mais aussi au financement des prestations chômage !
Ni moduler, ni étendre, ni fusionner la CSG. Il faut la supprimer.
Non seulement la CSG est le prélèvement qui pèse le plus lourdement sur les revenus (il représente environ 90 Milliards d’euros, plus que l’impôt sur le revenu) mais il frappe essentiellement les salariés en activité ou non, et particulièrement les retraités. Les revenus du capital n’y contribuent que très peu, contrairement à ce qu’avait annoncé Michel Rocard, le père de la CSG.
La suppression de la CSG est un enjeu de classe. Les retraités, les chômeurs et les malades n’ont pas à financer la protection sociale. Le manque à gagner peut-être compensé immédiatement et largement par la suppression de la réduction Fillon sur les cotisations dites patronales (sa compensation par le budget de l’Etat coûte 23 Milliards d’euros par an) et la suppression du CICE (20 Milliards d’euros).
Pour les salariés, la CSG et doivent être remplacés par des cotisations sociales.
On objectera que les salariés ne gagnent rien à ce remplacement. C’est exact. Pour que les salariés gagnent plus, et c’est en 2017 une nécessité absolue, il n’y a qu’une seule méthode : augmenter les salaires bruts. C’est aussi un enjeu de classe. Tout autre solution s’apparente au jeu de bonneteau.
Pour ce qui est des revenus du capital, la CSG doit être remplacée par une Contribution Spécifique des Revenus du Capital à la Protection Sociale. Elle serait calibrée de manière à frapper essentiellement les dividendes et les plus-values et à épargner en particulier les retraités petits propriétaires de terres agricoles mises en location.
Quant au CRDS, le petit frère de la CSG, il doit être purement et simplement supprimé pour tous. Les salariés n’ont pas de dette sociale. S’il y a une dette sociale elle est due aux employeurs qui sous-payent et qui augmentent les cadences au lieu d’embaucher. La “dette sociale” doit par conséquent être remboursée au moyen d’une cotisation additionnelle au brut (dite “patronale”) spécifique.
Bernard Adrian
NOTES :
Selon l’INSEE, l’augmentation du SMIC depuis l’an 2000 a été de 20%. Celle de la moyenne des salaires nets pour les postes à temps complet de 7% seulement. Le SMIC est pourtant si bas en 2016, que la CAF verse aux personnes seules travaillant au SMIC à temps plein, un complément de 132 € par mois (la prime d’activité).
La fusion CSG-Impôt sur le revenu est aussi la “solution” proposée par… Marine Le Pen.