GILETS JAUNES mutilés - le récit d’une famille
À l’hiver 2016, le candidat Macron appela à la Révolution ; à l’hiver 2018, le président Macron écrasa celle qui ne demandait qu’à éclore. D’abord, le gouvernement a énucléé et défiguré les visages, mutilé et arraché les mains des protestataires. Cela se fit à grand bruit : on entendait dans la rue la détonation des tirs des forces de l’ordre, l’explosion des grenades chargées de TNT. Puis ce fut le silence. Les caméras sont parties et la violence a continué, à bas bruit cette fois. Non plus dans la rue mais au cœur des institutions : les hôpitaux, les assurances, la Sécurité sociale, la police, la Justice… Dominique Rodtchenki-Pontonnier est la mère de Gabriel : apprenti chaudronnier sarthois de 21 ans, il a perdu l’usage de sa main droite durant l’acte II des gilets jaunes. Il était venu marcher contre « la misère » et la casse des services publics — c’était le samedi 24 novembre 2018. Un autre de ses fils, Florent, a été blessé à la jambe. Deux ans plus tard, elle nous raconte l’interminable combat quotidien de sa famille.
Je suis toujours coincée là-bas, boulevard Roosevelt. La vie continue d’avancer, mais je suis restée là où la mienne s’est brisée. Ma vie de femme, de mère, de famille a explosé en même temps que cette grenade. Aujourd’hui, dans ma tête, j’essaie encore de faire que cette GLI-F4 [grenade contenant 26 grammes de TNT, ndlr] n’arrive jamais, de prendre la place de Gabriel… À un moment, à l’hôpital, j’ai voulu me couper la main pour qu’il puisse prendre la mienne. Beaucoup de personnes me disent que j’ai changé. C’est vrai. Il y a des choses que je ne supporte plus. Le regard que les gens portent sur moi, aussi. Désormais, c’est de la survie, c’est faire semblant, c’est faire comme si… Faire bonne figure et se battre. Surtout pour Gabriel.
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