LE GRAND DOUTE – Par Pierre Lévy [l’éditorial de Ruptures de janvier 2022]
« Europe, Europe, Europe ! »… Qui ne se souvient du Général de Gaulle moquant la posture de qui « saute sur sa chaise comme un cabri » en invoquant sa foi européenne ? Imaginait-il que l’un de ses lointains successeurs illustrerait jusqu’à la caricature ce mantra des classes dominantes ? Emmanuel Macron veut en fait profiter de la présidence tournante du Conseil de l’UE, qui échoit pour six mois à la France, pour assurer sa réélection. Non que les partisans de l’intégration européenne soient majoritaires dans le pays, très loin de là, mais ils constituent le socle de son électorat de 2017 sur lequel il entend s’appuyer.
En décembre de l’année dernière, il annonçait un triptyque quelque peu ésotérique – « relance, puissance, appartenance » – et énumérait pêle-mêle les domaines « prioritaires » où il entendait briller : salaire minimum, réglementation du monde numérique, réforme de l’espace Schengen, taxation carbone aux frontières, et promotion d’une Europe diplomatique et militaire « souveraine ». A Bruxelles, on a évidemment souri en coin : la présidence semestrielle n’a en fait guère d’autre prérogative que d’impulser des textes ou initiatives déjà engagés.
Mais ce marketing macronien ne relève pas seulement de l’esbroufe ; il est sous-tendu par une idéologie délétère comme l’illustre le discours que le maître de l’Elysée a tenu, le 19 janvier, devant les eurodéputés. Le chef de l’Etat a renoué avec l’arrogance lyrique dont il usa en 2017 en vantant l’Europe comme « une civilisation à part », une « civilité, une manière d’être au monde, de nos cafés à nos musées, qui est incomparable ».
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