Et maintenant, la lutte de classe
Les clameurs se sont tues. On est tenté de dire : beaucoup de bruit pour rien : pour une victoire de la droite qui peut certes inquiéter mais qui n’est pas une nouveauté même si son commis triomphant s’en réclame avec une extrême pugnacité. Dans cette parade-parodie de démocratie le racolage clientéliste et la séduction ont joué un rôle chaque jour renouvelé. Les pressions politico-médiatiques ont pris une part déterminante à la campagne avant même qu’elle soit engagée. Ce sont elles qui ont fabriqué avec la participation très consciente de l’intéressée, l’objet télévisuel, radiophonique et journalistique Ségolène Royal qui riperait vers la droite tout son camp et qui ont, dans cette perspective, poussé à la bipolarisation sur « Sarko-Ségo ».
Notre peuple a été rassasié de débats inaboutis et de projets fallacieux. Mais s’il est vrai que beaucoup des thèmes abordés relèvent des préoccupations des Français (emploi, salaires, éducation etc.), ni la candidate du PS et de toute la gauche, ni le candidat de toute la droite n’ont ouvert les perspectives auxquelles aspirent le monde du travail et celui de la création, hormis le star-biz et le show biz. Nicolas Sarkozy propose de toiletter le capitalisme mondialiste mais en se gardant bien de toucher à ses fondamentaux. Il est porté sur les fonts baptismaux par le grand capital et son mode de vie est à mille lieues de celui des travailleurs. Ségolène Royal a materné l’électorat, brassé le flou politicien et l’humanisme mou sans qu’on puisse attendre de son « projet » autre chose que les expédients à l’anglo-saxonne teintés de blairo-thatchérisme et de morale vaticane. Elle se situe dans l’illusion du capitalisme à visage humain, mais ce mot, capitalisme, est absent de son vocabulaire. C’est d’ailleurs, avec des approches nuancées, le point de convergence des deux rivaux. Tout cela est compatible avec le prétendu social-capitalisme d’une Angela Merkel dont les deux candidats se réclament. Inquiétant et révélateur parrainage !
Entre le pire et le soi-disant moindre mal, le choix était impossible pour le peuple. Dans l’un ou l’autre cas, c’était son renoncement présenté comme une issue que les candidats réclamaient confortés par la constitution dont tous deux acceptaient les règles.. Si la diabolisation de Sarkozy (qui, notons-le, à l’instant même de sa victoire s’est étrangement éteinte) a mobilisé ses partisans, elle a réduit ses adversaires à consentir de bon ou mauvais gré aux thèses conservatrices , improvisations, volte-face, carences et bévues, de Mme Royal, monarchique avant même son intronisation, devant sa cour muette, « extrême-gauche » comprise.
N’oublions pas non plus cet élément essentiel pour comprendre le visage politique de notre pays. Les Français ont voté en opposition à un candidat au moins autant qu’en faveur de son concurrent. A cet égard si Sarkozy atteint 18 963 408 voix, ce sont 25 488 671 électeurs qui la lui ont refusée (votes pour S. Royal, abstentions, bulletins blancs et nuls). Cela fait un vivier fructueux pour les futures batailles sociales.
Le fait nouveau de ce scrutin c’est le glissement à droite des deux stratégies, l’ouverture de Sarkozy au lepénisme et de Royal au « centrisme ». C’est aussi l’effacement des forces anticapitalistes trahies par leurs leaders, Besancenot et la LCR se retirant du front, M.-G. Buffet tentant un forcing voué à l’échec et José Bové ajoutant sa fausse note au concert discordant, les uns et les autres sont lourdement responsables de leur impuissance à se constituer en force déterminante. L’anticapitalisme, morcelé en fractions rivales au premier tour a été totalement absent du second où celles-ci ne jouèrent même pas le rôle de figurants.
Un fait est une fois de plus confirmé, la nocivité des institutions dont aucune des forces en présence hormis le Parti des Travailleurs ne s’opposait à l’élection au suffrage universel du Chef de l’Etat, mode de scrutin qui en fait un monarque. Mais il faut du courage, une volonté politique, de l’opiniâtreté pour retirer le hochet dont le pouvoir amuse et berne le peuple.
Il ne fallait rien attendre de cette campagne, l’expérience le confirme. C’est la ligne qu’a défendue Combat.
Reste maintenant à tirer les enseignements et pour cela se sortir d’abord des ornières où les forces anticapitalistes se sont enfoncées. Cette démarche devrait aussi être entreprise dans le PS qui vient de subir une quatrième défaite, trois aux élections présidentielles et une au référendum sur l’Europe. Ici et là, ces révisions déchirantes prévaudront-elles ?
Mais si on peut souhaiter que la crise qui affecte notamment les forces anticapitalistes se résoudra de bonne manière, il serait aberrant d’attendre l’arme au pied qu’elle fasse son mea culpa. Face au projet réactionnaire qui va immédiatement être mis en œuvre, la première nécessité pour le peuple est de résister, de se préparer aux luttes qui seules lui permettent de combattre une politique qui lui est nocive, de faire échouer des contre-réformes comme ce fut le cas pour le CPE et même de faire avancer ses revendications. Ce n’est pas la première fois que des gouvernements de droite accordent au peuple ce que la gauche ne put, ne sut ou ne voulut accorder.
Cette mobilisation regroupant les générations et unissant le monde du salariat serait certes grandement aidée par l’émergence d’un syndicalisme et d’organisation(s) politique(s) de lutte de classe mais leur éventuelle carence même ne saurait empêcher le monde du travail et de la création de s’exprimer. Les rues sont faites pour ça.