49ème Congrès de la CGT : ne vaut-il pas mieux se taire ?
A la suite de mes déclarations publiques à propos de l’orientation actuelle de la CGT (mon syndicat depuis 1963), deux camarades, sous des formes différentes, me font part de la même inquiétude que l’un d’eux exprime ainsi : « Le contenu des courriels que tu m’adresses me laissent songeur : ne serais tu pas en train de participer au lynchage de ce qui reste debout et qui nous rassemble encore à la CGT, en soulignant des motifs plus ou moins légitimes qui ne peuvent que nous diviser ? »
Je comprends d’autant plus l’interrogation de ces camarades que je l’ai longtemps partagée, et que sous prétexte de ne pas casser l’outil imparfait qui nous restait, je me suis autocensuré. Je précise que ce n’était pas par manque de ce courage, dont Jean Jaurès nous a dit qu’il consistait à chercher la vérité et à la dire ; non, mon souci était la conservation de ce qu’il nous restait de l’outil de lutte.
Le temps a passé. J’ai dû faire l’amer constat que mon silence n’avait pas empêché le recul de l’influence de notre organisation. Par contre, il avait été utile à ceux qui la vidaient de son contenu de classe et de ses adhérents les plus combatifs, utilisant les pressions les plus diverses y compris la calomnie, excluant le cas échéant.
« Qui ne dit mot consent »
Eh bien non, je ne consentais pas. Il me restait donc à le faire savoir.
Durant des années, j’ai tenté de faire réfléchir des camarades par la parole. Si j’en juge par leurs réactions, je n’ai guère été convaincant. D’autant que d’autres se chargeaient d’établir autour de moi un « cordon sanitaire » : je sentais le fagot !
Tout récemment, j’ai décidé d’écrire et de distribuer en tract (18 novembre). Il faut croire que les temps ont changé en même temps que moi, car des bouches s’ouvrent. Enfin.
Enfin, car si les syndiqués ne prennent pas la parole, ne donnent pas leur opinion autrement qu’en ne reprenant plus leur carte, s’ils ne font pas respecter leur point de vue au même titre que celui des dirigeants, s’ils ne deviennent pas les maîtres de leur organisation, qui peut douter de l’issue ?
Déjà le bilan de l’abandon de la lutte des classes est éloquent : au recul de la syndicalisation, donc de la capacité de lutte, s’ajoutent, dans tous les secteurs de la vie sociale, la « négociation » de la liquidation des acquis de la lutte des classes. Nous pouvons faire confiance à l‘adversaire de classe : cette CGT là, il saura la maintenir en vie aussi longtemps qu’elle lui sera utile.
Est-ce cet avenir que nous voulons ?
Au rassemblement de lutte des cheminots CGT, le 18 novembre devant la gare St Jean, un camarade qui lit une vie de Guy Môcquet nous disait les parallèles qu’il y trouve avec ce que nous vivons aujourd’hui.
C’est, malheureusement, une opinion que je partage et qui m’a rappelé ce texte écrit par le pasteur Martin Niemöller à Dachau :
« Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, car je n’étais pas communiste.
« Quand ils sont venus chercher les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, car je n’étais pas social-démocrate.
« Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, car je n’étais pas syndicaliste.
« Quand ils sont venus chercher les juifs, je n’ai rien dit, car je n’étais pas juif.
« Et quand ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester. »
Dans la France d’aujourd’hui, où la solidarité est devenue un délit, ce rappel n’est-il pas une bonne raison pour que je ne me taise plus ?
Jean-François Autier
ajusteur mécanicien,
cheminot retraité,
syndiqué CGT depuis 1963.